mardi 15 janvier 2008

Canada Des citoyens plus égaux que les autres


Quand Stephen Harper promet, il agit. Cette fois, il aurait peut-être dû réfléchir avant. Son gouvernement jubile devant l’entrée en vigueur de sa Loi sur le lobbying. Et pourtant!
Cette loi vient consacrer le principe que les citoyens qui ont les moyens de se payer des démarcheurs ont plus d’influence que les autres.
Un exemple? Les pharmaceutiques. Cette industrie est partagée en deux : les fabricants de produits génériques et ceux qui mettent au point des médicaments « d’origine contrôlée ». Les premiers, arguant l’accessibilité de médicaments efficaces à prix réduits, souhaitent une réduction du temps de protection des brevets, ce qui leur permet de produire plus rapidement des copies et, donc, de faire de l’argent; les seconds soutiennent que la protection de leurs brevets favorise la recherche et le développement de nouveaux médicaments plus efficaces.
Qu’ont fait les protagonistes lorsque ce débat a été lancé il y a quelques années. Les deux groupes ont recouru à des firmes spécialisées en relations gouvernementales, euphémisme pour désigner des lobbyistes; des personnes qui jouissent d’un réseau de contacts au sein de l’appareil gouvernemental et, si possible, d’un accès direct aux ministres en poste, sinon au premier ministre. Leur niveau de rémunération est proportionnel à l’ampleur de leur réseau.
Les « génériques » se sont collés sur les députés et ministres québécois faisant valoir le poids de leur industrie sur l’économie de la province. Les « originaux », prenant Toronto comme levier, ont soulevé des menaces de réduction d’activité, voire de délocalisation, en s’adressant aux députés et ministres ontariens par le biais de lobbyistes.
Des milliards $
Les pharmaceutiques valent des milliards de dollars et leur capacité d’influence est déjà immense. Une fois leurs intérêts confiés à des professionnels du démarchage, leur poids s’accroît encore davantage, leurs lobbyistes s’insinuant dans tous les recoins de la machine gouvernementale pour plaider le bien-fondé de leurs positions.
Pendant ce temps, les associations de défense des consommateurs planchent sur les mémoires qu’elles vont soumettre au comité parlementaire qui se penche sur ce sujet et qui devra recommander au gouvernement quelle est la politique à suivre dans le dossier.
Étrangement, les compagnies pharmaceutiques se montrent plutôt discrètes lors de ce forum et ne manifestent aucune agressivité notable devant les tierces parties opposées à leur point de vue. Ceci pour la simple raison, qu’elles pressentent déjà que les dés sont jetés, la partie s’étant jouée en coulisses bien avant la tenue des audiences du comité en question.
Seconde zone
La présence de lobbyistes dans le giron du milieu gouvernemental fait la démonstration qu’il existe bien des citoyens de premier ordre dans nos démocraties et d’autres de sonde zone.
Déjà les présidents des grandes entreprises jouissent de contacts directs aux niveaux les plus élevés de l’administration publique, souvent au bureau du premier ministre lui-même. Lors des missions économiques à l’étranger, qui empruntent le même avion que premier ministre et ministres? Et en plus, ils se dotent de spécialistes en trafic influence!
Quelle est la profession de Karlheinz Schreiber? Lobbyiste. Un excellent lobbyiste. À preuve, il a réussi à s’introduire auprès du premier ministre jusqu’au point où celui-ci, tout se suite après son départ, consent à recevoir de sa part de l’argent comptant en catimini dans des chambres d’hôtels. Sommes ensuite camouflées dans des coffrets bancaires de sûreté.
Les citoyens ordinaires, même regroupés dans des associations de défense de leurs intérêts ou dans des syndicats, n’ont que peu de poids à comparer à celui des grandes entreprises.
Est-ce un hasard si le Conseil du trésor fédéral a rendu public, le 4 janvier, son règlement décrétant l’entrée en vigueur de sa loi sur le lobbying? Il serait souhaitable que ce soit la gêne de ne pas s’être posée la vraie question : le lobbying est-il un rouage capital du fonctionnement gouvernemental?

J’ai cherché la réponse essentielle
Au sillage émouvant des nudités secrètes
Plus muettes que leurs images
Enfantées dans l’antre de poussière

Jean-Guy Pilon (Promesse indéfinie…)

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