dimanche 30 mars 2008

Québec Étudier en anglais à rabais



La ministre de l’Éducation Michelle Courchesne entend corriger l’entente convenue entre la France et le Québec, il y a 30 ans, qui permet à un étudiant français d’étudier dans une université du Québec au même coût qu’un étudiant québécois.
Quelque 1000 étudiants profitent de ce privilège pour venir étudier… en anglais, à McGill notamment.

Il aura fallu qu’un journaliste de Radio-Canada mette au jour la situation pour que la ministre admette qu’une correction s’impose, puisque l’entente vise le renforcement de la francophonie par le biais de cet accès au système éducatif québécois et non pas l’accès à nos universités anglophones.

Rusés ces Français! Ils ont décelé la faille contenue dans le libellé de l’accord. Il en coûte effectivement bien moins cher d’étudier en anglais dans une université comme McGill que dans une institution ailleurs au Canada ou aux États-Unis.

Deux constats préoccupent particulièrement à la lumière de l’incongruité révélée.
Le ministère de l’Éducation et sa batterie de fonctionnaires tolèrent depuis des années ce détournement de l’objectif énoncé dans l’entente France-Québec; l’Université McGill exploite le filon en promouvant son accessibilité auprès des étudiants français.

Le ministère pouvait-il vraiment ignorer ce que les recruteurs de McGill et les étudiants français savaient? Si oui, des sanctions s’imposent devant un tel étalage d’incompétence. Si non, pourquoi avoir fermé les yeux? Par connivence avec la direction de McGill qui augmente ainsi son effectif étudiant et collecte en plus la quote-part versée par le ministère de l’Éducation pour chaque étudiant inscrit qui verse les frais de scolarité de base plutôt que ceux, plus onéreux, que doivent débourser les étudiants étrangers?

La ministre Michelle Courchesne, manifestement, apprenait la nouvelle à la suite de la demande de réaction de la part du journaliste, précédé sans doute d’un briefing entre deux portes de la part d’un fonctionnaire du ministère et c’est du bout des lèvres qu’elle a affirmé qu’une correction s’imposait.

Michelle Courchesne était pas mal plus à l’aise devant les caméras à l’occasion de l’épisode enneigé des toits d’écoles ou des rocamboles de Roy, père et fils, séquences qui lui ont permis de découvrir que l’accumulation de neige pouvait être dangereuse pour les structures d’édifices et qu’il y avait des bagarres pendant les parties de hockey. Voilà des sujets d’autant plus importants qu’ils lui ont permis d’occuper l’avant-scène médiatique pendant quelques semaines.

Après tout, qu’est-ce que c’est pour les finances du Québec que 14 000 $ par étudiant par année pour 1000 étudiants? 14 millions $ ou 1/20ème de la marge de manœuvre de la ministre des Finances pour la prochaine année budgétaire. Cette somme s’ajoute aux dizaines de milliers de dollars injectés dans le système judiciaire par les commissions scolaires anglophones, à même les crédits versés par le ministère de l’Éducation, pour contester la loi 104 qui interdit aux parents francophones d’accéder à l’enseignement primaire et secondaire en anglais en envoyant leurs enfants pendant une année dans une école privée anglophone.

La députée de Fabre doit déblayer dans son ministère, à défaut elle risque de compter dans ses filets.

Combien de millions de dollars par année passent ainsi entre les mailles mal fagotées du système gouvernementales?

Tu auras maintenant des murs à abattre
Des routes presque neuves à négliger
Parce qu’au pays où nous sommes
Les destins rivalisent de froid


Jean-Guy Pilon (On ne choisit pas ses armes)

dimanche 23 mars 2008

USA Les tribulations d’un candidat à la présidence


Assuré de conquérir l’investiture présidentielle du Parti républicain, John McCain a passé la dernière semaine en voyage. Il est passé de l’Irak à l’Europe, souhaitant se doter de la stature internationale qui faisait défaut à George W. Bush au lendemain de son élection controversée en 2000.

Si le but officiel de ce périple est de prendre contact avec divers chefs d’État et de gouvernement afin de sonder leur perception des États-Unis, il apparaît évident qu’il cherche également à se placer au-dessus de la mêlée face à son éventuel concurrent démocrate, que ce soit Barrack Obama ou Hillary Clinton, et de marquer des points face à l’électorat américain en se présentant comme celui qui est fin prêt pour occuper le poste de personnage le plus influent de la planète.

Mais voilà, tandis que son discours en terre américaine tend à se gagner les faveurs de l’électorat conservateur en maintenant que la guerre d’Irak durera le temps qu’il faudra, qu’il demeurera ferme à l’endroit du terrorisme comme envers des politiques libérales comme la limitation de la circulation des armes à feu ou l’accès à l’avortement.

Il appert, cependant, qu’à certaines occasions les bonnes intentions se butent à l’ignorance. Ainsi en a-t-il été lorsqu’il a déclaré que l’Iran servait de terrain d’entraînement à Al Qaeda pour ensuite commettre ses exactions en sol iraquien. Il aura fallu que son accompagnateur, l’ex-candidat à la présidence Joe Liberman, lui glisse à l’oreille que les militants d’Al Qaeda sont d’obédience sunnite, alors que le chiisme est la religion des Iraniens. Il s’est donc repris en dénonçant la politique terroriste du groupe d’Ossama Ben Laden.

Barrack Obama, lui-même aux prises avec un pasteur gênant, Jeremia Wright, qui accuse les États-Unis d’avoir provoqué le désastre du 9 septembre 2001 par son attitude impérialiste, n’allait pas laissé passer une aussi belle occasion de dénoncer cette méconnaissance de son peut-être prochain adversaire à la présidentielle de novembre prochain.

La tournée européenne de John McCain se déroule tout de même mieux que cette incartade iraquienne et la bourde commise. Fait étonnant, il se démarque nettement des politiques mises de l’avant par George W. Bush, ce qu’il n’a jamais fait pendant sa campagne à l’investiture. Il assure notamment qu’il faut des mesures visant à stopper le réchauffement climatique, problème fréquemment nié par le président Bush ; il dénonce le recours à la torture, après que Bush ait apposé son veto à une loi interdisant à la CIA d’utiliser la simulation de noyade en cours d’interrogatoire ; il promet même la fermeture du centre de détention de la baie de Guantanamo à Cuba, ce que Bush n’a nullement l’intention de faire.

L’appui aux États-Unis est en chute libre dans tous les pays d’Europe, à commencer par la Grande-Bretagne, son allié contre vents et marées. De 83 %, avant la guerre d’Irak, le soutien populaire aux États-Unis y a glissé à 51 %. En France, où les États-Unis ne reçoivent de 39 % d’appuis, le candidat républicain a affirmé : « Je crois que nos relations avec la France continueront à s’améliorer quelque soit le prochain président des États-Unis. » Étonnante affirmation quand on sait en quelle basse estime les Américains tiennent les Français.

Il y a maintenant cinq ans que la guerre se poursuit en Irak. Après 4000 militaires américains morts au combat et plus de 100 000 irakiens, tout va pour le mieux aux yeux du président Bush pour qui la victoire est à portée de main, même s’il faut pour cela « demeurer 100 ans en Irak », comme il l’a martelé. On ne peut guère réaliser mieux comme discours paradoxal.

Nous sommes au point mort
De la désertion tragique
Nous attendons la parole de délivrance
Sans aider la porte à tourner sur ses gonds.


Jean-Guy Pilon (Et brûleront les navires)

lundi 17 mars 2008

Crise en Amérique latine la discrétion cubaine


Étonnamment, la réserve a marqué la politique cubaine lors de la crise entre la Colombie, l’Équateur et le Venezuela découlant de la violation de la frontière équatorienne par l’armée colombienne ayant mené un raid qui a conduit à la mort du numéro deux des FARC (Forces armées révolutionnaire de la Colombie) en territoire équatorien.

Le président de l’Équateur, Rafael Correa, a immédiatement dénoncé l’intervention colombienne sur son territoire, dénonciation appuyée immédiatement par le président du Venezuela, Hugo Chavez, qui mobilise des milliers de se soldats sur sa frontière avec la Colombie.

En temps normal, si le lider maximo avait conservé sa présidence de la république cubaine, on aurait probablement assisté à l’une de ses montées au créneau pour vilipender un régime honni soumis à la botte du géant yankee.

Or, Raoul Castro, qui vient de prendre les rênes du pouvoir sur l’île, semble avoir d’autres fers au feu et, tout en suivant de près l’évolution de la crise, travaille à d’autres priorités : l’exploitation des réserves pétrolières « off shore » avec l’aide de l’Espagne, normalisation des relations avec le Mexique ( geste remarquable de la part du président conservateur Calderon), visite de l’envoyé de l’union européenne, Louis Michel, en vue d’une reprise de relations bilatérales entre l’île et le continent européen, rééchelonnement la dette pétrolière cubaine envers le Brésil…

Puis, lors du Sommet des pays sud-américains en République dominicaine, la tension suscitée par le comportement colombien s’est estompée et les critiques acerbes formulées de part et d’autre ont fait place au dialogue, le Venezuela et l’Équateur restaurant leurs relations diplomatiques avec la Colombie et le président Alvaro Uribe présentant ses excuses pour l’incursion en territoire équatorien et s’engageant à ne plus violer les frontières de ses voisins.

Il ne faut cependant pas croire que Fidel s’est complètement tu dans le sillage de cette crise. De fait, l’ex-président tient quotidiennement chronique dans le journal officiel du parti « Gramma ». Ainsi, dans le numéro du vendredi 14 mars, le légendaire dirigeant cubain écrit :

« L’impérialisme vient de commettre un crime monstrueux en Équateur. Des bombes meurtrières ont été larguées au petit matin sur un groupe d’hommes et de femmes qui, presque sans exception, étaient en train de dormir. On le déduit de tous les rapports officiels émis dès le premier instant. Les accusations concrètes contre ce groupe de personnes ne justifient pas l’action engagée. Ce sont des bombes yankees qui sont tombées, guidées par des satellites yankees.

« Absolument personne n’a le droit de tuer de sang-froid. Si nous acceptons cette méthode impériale de guerre et de barbarie, des bombes yankees guidées par des satellites peuvent tomber sur n’importe quel groupe d’hommes et de femmes d’Amérique latine, sur le territoire de n’importe quel pays, avec ou sans guerre. Que cette action se soit produite sur une terre dont les preuves indiquent qu’elle était équatorienne constitue une circonstance aggravante.

« Nous ne sommes pas ennemis de la Colombie. Mes Réflexions antérieures et nos échanges prouvent combien nous nous sommes efforcés, tant l’actuel président du Conseil d’État cubain que moi-même, de nous en tenir à la politique de principe et de paix que nous avons proclamée depuis des années dans nos relations avec les autres États d’Amérique latine.

« Que tout ceci soit à présent en danger ne nous convertit pas en belligérants. Nous sommes des partisans décidés de la paix entre les peuples de ce sous-continent que Marti a baptisé comme Notre Amérique.

« Garder le silence ferait de nous des complices. On veut maintenant asseoir notre ami, l’économiste et président de l’Équateur, Rafael Correa, au banc des accusés, ce que je n’aurais jamais pu concevoir dans la nuit du 9 février 2006 (NDLR : date de la première rencontre entre les deux dirigeants). Mon imagination semblait capable d’envisager des rêves et des risques de toute sorte, sauf quelque chose d’approchant à ce qui s’est passé le samedi 1er mars 2008, au petit matin.

« Correa a pu réunir les rares survivants et le reste des cadavres. Les deux qui manquent prouvent que le territoire équatorien a été occupé par des troupes ayant franchi la frontière. Tout comme Emile Zola, il peut maintenant s’écrier : J’accuse ! »

La plume de Fidel court plus vite que ses jambes.

Et, pendant ce temps, que fait le président George W. Bush ? Il s’attriste devant la violation des droits de la personne à Cuba et note que « la liste des pays appuyant le peuple cubain est trop courte et les démocraties absentes de cette liste est remarquable », insinuant que le Venezuela, l’Équateur, le Brésil, l’Argentine, notamment, ont des liens trop étroits avec le gouvernement cubain.

En même temps, le président américain appose son veto à une loi interdisant le recours à la technique de simulation de noyade lorsque la CIA interroge des personnes suspectées de complot à l’encontre des États-Unis. Les droits de la personne ont tout de même leurs limites, semble-t-il dire. Et l’une de ces limites se situe probablement sur le périmètre de la base de Guantanamo à Cuba.

… Son grand-père était gris
Et son papa aussi
Et grise sa maman
Et gris l’oncle Fernand

Le petit éléphant
Faisait, c’est désolant,
De la neurasthénie,
Parce qu’il était blanc…


Ollivier Mercier-Gouin (L’éléphant neurasthénique)

lundi 3 mars 2008

Canada Indépendante Radio-Canada?


Pour une énième fois, le comité permanent du Patrimoine à la Chambre des communes à Ottawa recommande que la Société Radio-Canada (SRC) jouisse d’un financement stable et pluriannuel qui permettrait à la radio/télévision publique de planifier son développement et d’éviter toute influence indue sur ses décisions éditoriales provenant du parti gouvernemental au pouvoir dans l’Outaouais.

Il fallait voir et entendre le vice-président des services français de la SRC, Sylvain Lafrance, alors qu’il réagissait aux recommandations unanimes du comité, sauf la dissidence du Parti conservateur pour ce qui concerne le mode de financement avec indexation automatique. Il émanait du numéro trois de la Société (après le président et le vice-président des services anglais) autant d’enthousiasme, pour applaudir ce rapport, que s’il avait assisté à la cinquantième reprise d’un Bye Bye d’il y a vingt ans.

Il faut savoir que Sylvain Lafrance vit dans les couloirs de Radio-Canada depuis presque sa naissance. Journaliste à la salle des nouvelles de la station d’Ottawa dans les années 70, il a gravi les échelons jusqu’au poste hautement stratégique qu’il occupe maintenant en attendant, sans doute, que la présidence lui échoit. Il est donc bien au fait des promesses faites, en ce sens également, aussi bien par les libéraux que les conservateurs aux présidents du passé, dont les Pierre Juneau, Gérard Veilleux, Tony Manera et tutti quanti.

C’est qu’il existe une règle qui veille aux relations entre le gouvernement en place et la Société Radio-Canada : le « arm’s lenght » héritée de la tradition britannique. Il s’agit de la distance critique qui doit exister entre le gouvernement élu et la haute direction de la SRC pour que cette dernière conserve toute son indépendance, surtout éditoriale.

À titre d’exemple, lors de la diffusion d’un Bye Bye dans les années 90, les auteurs avaient égratigné le premier ministre de l’époque, Jean Chrétien dont l’épouse avait chassé un intrus de son domicile. Dès le lendemain de la diffusion, le chef de bureau du premier ministre avait appelé le président de la SRC pour le tancer sévèrement, selon les rumeurs qui ont circulé à l’époque sur la colline parlementaire. Quelques mois plus tard, lors de l’adoption des crédits parlementaires, la SRC voyait son budget gelé pour l’année suivante, ce qui se traduisait en réalité par un manque à gagner sans fonds supplémentaires pour couvrir l’inflation.

Cela permet de comprendre pourquoi, une fois au pouvoir, libéraux comme conservateurs refusent de voir la SRC acquérir davantage d’indépendance, même si, à l’époque où ils étaient dans l’opposition, un financement stable établi sur plusieurs années leur souriait. Dans l’opposition, ils y voyaient la possibilité d’accéder plus aisément aux ondes, au pouvoir l’incapacité d’influer sur son orientation. En effet, il n’est pas possible pour le palier politique d’intervenir directement à la suite de choix éditoriaux réalisés par un Daniel Lessard de la télévision ou un Maurice Godin de la radio. Mais si on dispose de la menace budgétaire, les hautes sphères de la SRC feront preuve de vigilance et interviendront sans même que le gouvernement n’ait à se manifester.

Même si les recommandations du comité connaissaient des suites positives, ce qui est fort douteux, il resterait que le budget de la SRC face au réseau anglais demeurerait inéquitable. De fait, même si le niveau d’audience n’est pas le seul critère dont on doive tenir compte, il n’empêche que le réseau français représente, grosso modo, la moitié de l’audience totale consacrée à Radio-Canada/CBC, pour moins d’un tiers de l’auditoire potentiel.

Si l’argent est le nerf de la guerre, il constitue aussi la laisse attachée à la patte du poêle. Vraiment indépendante Radio-Canada?

… ils seront seuls
et le cœur chargé d’une fausse espérance
ils attendront l’impossible délivrance des mondes


Michèle Lalonde (Leur solitude)