lundi 17 mars 2008

Crise en Amérique latine la discrétion cubaine


Étonnamment, la réserve a marqué la politique cubaine lors de la crise entre la Colombie, l’Équateur et le Venezuela découlant de la violation de la frontière équatorienne par l’armée colombienne ayant mené un raid qui a conduit à la mort du numéro deux des FARC (Forces armées révolutionnaire de la Colombie) en territoire équatorien.

Le président de l’Équateur, Rafael Correa, a immédiatement dénoncé l’intervention colombienne sur son territoire, dénonciation appuyée immédiatement par le président du Venezuela, Hugo Chavez, qui mobilise des milliers de se soldats sur sa frontière avec la Colombie.

En temps normal, si le lider maximo avait conservé sa présidence de la république cubaine, on aurait probablement assisté à l’une de ses montées au créneau pour vilipender un régime honni soumis à la botte du géant yankee.

Or, Raoul Castro, qui vient de prendre les rênes du pouvoir sur l’île, semble avoir d’autres fers au feu et, tout en suivant de près l’évolution de la crise, travaille à d’autres priorités : l’exploitation des réserves pétrolières « off shore » avec l’aide de l’Espagne, normalisation des relations avec le Mexique ( geste remarquable de la part du président conservateur Calderon), visite de l’envoyé de l’union européenne, Louis Michel, en vue d’une reprise de relations bilatérales entre l’île et le continent européen, rééchelonnement la dette pétrolière cubaine envers le Brésil…

Puis, lors du Sommet des pays sud-américains en République dominicaine, la tension suscitée par le comportement colombien s’est estompée et les critiques acerbes formulées de part et d’autre ont fait place au dialogue, le Venezuela et l’Équateur restaurant leurs relations diplomatiques avec la Colombie et le président Alvaro Uribe présentant ses excuses pour l’incursion en territoire équatorien et s’engageant à ne plus violer les frontières de ses voisins.

Il ne faut cependant pas croire que Fidel s’est complètement tu dans le sillage de cette crise. De fait, l’ex-président tient quotidiennement chronique dans le journal officiel du parti « Gramma ». Ainsi, dans le numéro du vendredi 14 mars, le légendaire dirigeant cubain écrit :

« L’impérialisme vient de commettre un crime monstrueux en Équateur. Des bombes meurtrières ont été larguées au petit matin sur un groupe d’hommes et de femmes qui, presque sans exception, étaient en train de dormir. On le déduit de tous les rapports officiels émis dès le premier instant. Les accusations concrètes contre ce groupe de personnes ne justifient pas l’action engagée. Ce sont des bombes yankees qui sont tombées, guidées par des satellites yankees.

« Absolument personne n’a le droit de tuer de sang-froid. Si nous acceptons cette méthode impériale de guerre et de barbarie, des bombes yankees guidées par des satellites peuvent tomber sur n’importe quel groupe d’hommes et de femmes d’Amérique latine, sur le territoire de n’importe quel pays, avec ou sans guerre. Que cette action se soit produite sur une terre dont les preuves indiquent qu’elle était équatorienne constitue une circonstance aggravante.

« Nous ne sommes pas ennemis de la Colombie. Mes Réflexions antérieures et nos échanges prouvent combien nous nous sommes efforcés, tant l’actuel président du Conseil d’État cubain que moi-même, de nous en tenir à la politique de principe et de paix que nous avons proclamée depuis des années dans nos relations avec les autres États d’Amérique latine.

« Que tout ceci soit à présent en danger ne nous convertit pas en belligérants. Nous sommes des partisans décidés de la paix entre les peuples de ce sous-continent que Marti a baptisé comme Notre Amérique.

« Garder le silence ferait de nous des complices. On veut maintenant asseoir notre ami, l’économiste et président de l’Équateur, Rafael Correa, au banc des accusés, ce que je n’aurais jamais pu concevoir dans la nuit du 9 février 2006 (NDLR : date de la première rencontre entre les deux dirigeants). Mon imagination semblait capable d’envisager des rêves et des risques de toute sorte, sauf quelque chose d’approchant à ce qui s’est passé le samedi 1er mars 2008, au petit matin.

« Correa a pu réunir les rares survivants et le reste des cadavres. Les deux qui manquent prouvent que le territoire équatorien a été occupé par des troupes ayant franchi la frontière. Tout comme Emile Zola, il peut maintenant s’écrier : J’accuse ! »

La plume de Fidel court plus vite que ses jambes.

Et, pendant ce temps, que fait le président George W. Bush ? Il s’attriste devant la violation des droits de la personne à Cuba et note que « la liste des pays appuyant le peuple cubain est trop courte et les démocraties absentes de cette liste est remarquable », insinuant que le Venezuela, l’Équateur, le Brésil, l’Argentine, notamment, ont des liens trop étroits avec le gouvernement cubain.

En même temps, le président américain appose son veto à une loi interdisant le recours à la technique de simulation de noyade lorsque la CIA interroge des personnes suspectées de complot à l’encontre des États-Unis. Les droits de la personne ont tout de même leurs limites, semble-t-il dire. Et l’une de ces limites se situe probablement sur le périmètre de la base de Guantanamo à Cuba.

… Son grand-père était gris
Et son papa aussi
Et grise sa maman
Et gris l’oncle Fernand

Le petit éléphant
Faisait, c’est désolant,
De la neurasthénie,
Parce qu’il était blanc…


Ollivier Mercier-Gouin (L’éléphant neurasthénique)

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