dimanche 17 février 2008

Argentine La dictature militaire toujours active


Il y aura bientôt 25 ans que la dictature militaire a cédé le pouvoir en Argentine laissant en héritage une économie délabrée et une large tranche de sa population décimée par ses exactions : enlèvements, tortures, assassinats.

La « salle guerre », entamée en 1976 par les généraux Videla et Galtieri et leurs nombreux sbires qui souhaitaient éliminés systématiquement toute velléité progressiste présente dans le pays, engendre encore aujourd’hui de funestes événements qui appesantissent davantage la chape de plomb qui couvre cette période sombre de l’un des plus beaux pays de l’hémisphère sud. Les survivants des milliers de familles éplorées par la perte de parents ou d’enfants souhaitent toujours connaître les dessous cette période sombre; les militaires, certains condamnés à des peines de prison, d’autres amnistiés, désirent en conserver le secret absolu.

Dernière réminiscence de cet épisode tragique de la vie argentine : le meurtre en cellule d’Hector Febres, l’homme qui en savait trop. Officier de la Garde côtière à l’époque de la dictature, Febres, en décembre dernier, a été retrouvé empoisonné dans sa cellule de la base militaire où il était confiné, depuis neuf ans, en attente de verdict. Il était accusé d’avoir torturé quatre prisonniers détenus à l’École de mécanique de la marine qui servait, sous les généraux, de prison et convertie depuis en musée commémoratif.

Selon certaines informations, Febres se sentait trahi par ses supérieurs de l’époque et aurait colligé de nombreuses informations les concernant sur son ordinateur. De fait, Hector Febres vivait sa réclusion dans une spacieuse suite de la base militaire avec, à sa disposition, toutes les facilités souhaitées. Au lendemain de la découverte de son corps, nulle trace dans sa cellule de l’ordinateur ou des disques où auraient été colligées les informations en sa possession.

La juge chargée de l’enquête sur le décès de Febres a écarté, début février, l’hypothèse de suicide qui circulait dans les milieux militaires à propos de sa mort, pour confirmer un empoisonnement au cyanure. Deux de ses gardiens sont en état d’arrestation soupçonnés d’avoir autorisé l’accès à sa cellule à son ou ses meurtriers.

Febres n’était pas un personnage-clé du régime militaire argentin de la fin des années 1970 et du début des années 1980, comme c’est le cas des généraux, colonels ou chefs de police toujours vivants, en attente de procès ou de verdicts à l’issue de leurs procès. Il était un policier militaire devenu un fonctionnaire sachant, toutefois, où avaient été inhumées les victimes du régime Videla-Galtieri et qui étaient les responsables de ces disparitions.

Il aurait notamment été au fait de ce qu’il est advenu des enfants de mères décédées en détention sous la torture. Au moins 500 nouveaux nés auraient ainsi été enlevés à leurs mères puis placés dans de « bonnes familles » favorables au régime. Les mères concernées, elles, comme moult autres prisonniers des militaires, auraient été droguées puis larguées dans l’océan Atlantique à partir d’hélicoptères. Ainsi sont disparues des milliers de personnes accusées d’activités subversives à l’encontre du gouvernement des généraux. Il y a des enfants d’hier, des adultes d’aujourd’hui, qui veulent connaître l’identité des bourreaux qui les ont arrachés des bras de leurs mères.

Y a-t-il toujours, dans les rangs de l’armée et de la police argentine, des officiers qui auraient été impliqués dans les forfaits ordonnés par les généraux, colonels et chefs de police lors de cette « sale guerre »? Il semble, en tout cas, se perpétuer un sale héritage dans ce pays aux larges horizons et à la capitale, Buenos Aires, déjà qualifiée de Paris de l’Amérique du Sud.

Mourir sans connaître la vérité…
Le monde tremble au bord de l’horizon!
C’est entre ma main et le sol
Que peut sourdre la soudaine lumière.


Gatien Lapointe (Le temps premier)

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