vendredi 2 mai 2008

Aux USA comme au Canada Les services secrets torpillent leur crédibilité


Ironique coïncidence. Les substituts du procureur général de l’Ontario abandonnent les accusations de terrorisme portées contre quatre résidants de Brampton; moins de 48 heures plus tard, un jury, pour la deuxième fois, est incapable de rendre un verdict dans le cas des « sept de Liberty City » à Miami.

Les deux cas se ressemblent tellement que s’il s’agissait d’une production cinématographique, il y aurait certainement des poursuites pour violation de droits d’auteurs et plagiat : des suspects reliés à Al-Qaeda, des projets terroristes tellement ambitieux qu’on peut mettre en doute l’équilibre mental de leurs auteurs, des agents provocateurs très zélés, des agences de renseignements gourmandes de fonds d’opération et des substituts de procureur général et District Attorneys dépourvus de tout esprit d’objectivité dans l’analyse de leurs dossiers.

Sauf que les scénaristes, ici, sont des agents très spéciaux et secrets : le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et le Federal Bureau of Investigation (FBI). Il apparaît que leurs méthodes de travail se ressemblent tellement qu’elles débouchent sur le même résultat : néant.

Au Canada

Le hasard faisant bien les choses, les fins limiers du SCRS tombaient, en juin 2007, sur un groupe menaçant de 17 personnes (18 quelques mois plus tard) d’origine arabe, et donc facile à relier à Al-Qaeda, qui projetait, notamment, d’investir le Parlement d’Ottawa, de prendre en otage des politiciens, de décapiter le premier ministre; rien que ça. Lors de l’arrestation du groupe, la police avait mentionné que les présumés terroristes étaient inspirés par l’idéologie de l’organisation terroriste Al-Qaeda. « Inspirés », juste le recours à cette terminologie n’aurait pu sonner une cloche à l’oreille du substitut du procureur général affecté au dossier?

Et comment ont-il été arrêtés ces présumés terroristes? En prenant livraison de trois tonnes de nitrate d’ammonium, fertilisant qui devient explosif une fois mélangé à l’acide nitrique. Avez-vous déjà déplacé trois tonnes de n’importe quoi? Ça prend de l’espace et ça se voit. Le fertilisant est le même qui avait servi à l’attentat d’Oklahoma City. Il faut croire que n’importe qui peut encore en acheter. Et l’acide nitrique, comment on se la procure? Les suspects en avaient-ils en leur possession?

Enfin, qui livrait la commande? Un agent du SCRS.

Aux États-Unis

Dans le cas de Miami, les suspects sont des Haïtiens. Dans ce cas, il devenait plus difficile de lier le groupe à Al-Qaeda. Mais avec un peu d’imagination, tout est possible. Ainsi, les Haïtiens, dont la nature religieuse est fondamentalement catholique et teinté de vaudou, donc loin de l’Islam, ont tout bonnement prêté serment d’allégeance à Al-Qaeda. Qui leur a demandé de procéder ainsi? Mohamed (cela va de soi), un agent du FBI qui se disait commanditaire et financier du groupe terroriste international.

Quelles étaient les cibles terroristes du groupe? La destruction de la tour Sears de Chicago, rien de moins, et le quartier général du FBI à … Miami. Dans ce dernier cas, les renseignements étaient aisés à fournir au groupe puisque l’informateur était de la maison. L’agent du FBI au dossier se faisant passer pour quelqu’un qui avait l’argent nécessaire pour financer les opérations et les supposés suspects étant des manœuvres du secteur de la construction où les salaires sont pitoyables, il devenait facile de persuader les membres de ce groupe de signer n’importe quoi en retour du moindre pécule. Le quartier de Liberty City de Miami (où s’entassent entre autres les immigrants fraîchement débarqués d’Haïti) n’est pas exactement comparable à ceux de Coral Gables ou de Key Biscayne.

Après deux rebuffades par deux jurys, le procureur au dossier n’en démord pas. Il veut tenter sa chance une troisième fois. Et la juge laisse passer.

La cause a déjà coûté des millions de dollars aux contribuables américains. Qu’à cela ne tienne. Un ex-procureur, Guy Lewis, affirme : « Si la tolérance zéro fait partie de votre mandat, je ne m’assoirais pas là à griffonner des X et des O. La réponse, c’est oui on y va, on doit procéder. »

Croupir en prison

Que deviennent ces « suspects » engagés dans un engrenage dont ils ne comprendront jamais les rouages? Ils croupissent en prison sans liberté sous caution. Et les agences de contre-espionnage passent à la caisse en faisant miroiter des menaces terroristes qui n’existent que dans leurs plans machiavéliques. Contribuent-elles de la sorte à la sécurité de leur pays? À trop crier au loup…

Dans l’ombre des bouffons composaient des grimaces
Et les empaquetaient dans des caisses de bois
Ou de carton gaufré de peur qu’on ne les casse
Ils y mettaient aussi des brins de mimosas


Claude Mathieu (Voyage en chimérie)

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