vendredi 9 mai 2008

Paraguay Rupture avec 61 ans d’un régime corrompu



Le pape Benoit XVI a quitté l’Amérique en avril sans même jeter un coup d’œil du côté du nouveau président élu du Paraguay, Fernando Lugo. L’église catholique romaine, n’a jamais apprécié l’émergence de la théologie de la libération dans les années 1970 en Amérique latine. Le pape a donc choisi d’ignorer l’élection d’un ancien évêque qui a démissionné de ses fonctions pour briguer les suffrages lors de la présidentielle du 20 avril.

Ce pays vit un épisode sans précédent. C’est la première fois, depuis son accession à l’indépendance, en 1811, que le Paraguay connaîtra un régime politique librement élu à la suite d’une campagne électorale menée par un parti d’opposition contre le régime en place.

Depuis 1957, le Parti Colorado a dominé le paysage politique paraguayen, dont 35 ans sous la férule du général dictateur Alfredo Stroessner au pouvoir de 1954 à 1989. La recette imaginée par le Parti Colorado pour accaparer le pouvoir pendant tout ce temps : se constituer un noyau de loyaux supporteurs rouages d’un système de patronage qui ne faisait aucune distinction entre le gouvernement et le parti, le tout soutenu par une armée à la solde de ce même parti.

Fernando Lugo, qui entrera en fonction le 15 août prochain, a fait campagne en prônant la renégociation avec le Brésil et l’Argentine de contrats de fourniture d’énergie et une équitable distribution des terres entre les paysans. Le Brésil a déjà signifié une fin de non-recevoir quant à la révision des contrats en hydro-électricité et les 500 000 Brésiliens d’origine qui exploitent la culture du soya au Paraguay n’entendent pas se laisser déposséder. La tâche qui attend Fernando Lugo ne sera donc pas de tout repos.

Autre rupture

L’élection de Fernando Lugo s’inscrit dans la foulée d’une suite de ruptures des pays d’Amérique latine avec des pouvoirs autoritaires : Chavez au Venezuela, Bachelet au Chili, Correa en Équateur, Garcia au Pérou; et les voisins immédiats : Morales en Bolivie, Lula au Brésil et Kirchner en Argentine. Ce remue-ménage politique n’est pas sans inquiéter les grandes entreprises installées dans ces pays, surtout quand ces nouveaux dirigeants fréquentent le gouvernement cubain.

Il va sans dire que Fernando Lugo a du pain sur la planche. Le revenu annuel moyen par habitant est de 4 000 $ au Paraguay, la pauvreté touche 43 pour cent de sa population de 6,8 millions de personnes et 13 pour cent de la main d’oeuvre est au chômage. Il devient évident, dans un tel contexte, qu’un coup de barre radical s’impose avec toutes les embûches qui ne manqueront pas de se manifester au sein de la classe possédante. Par ailleurs, le Paraguay étant, avec la Bolivie, l’un des deux pays enclavés d’Amérique du Sud, il a besoin de ses voisins qui ont accès au transport maritime afin d’exporter ses produits agricoles, miniers et forestiers, ses principales ressources avec l’hydro-électricité.

Au sein même de la coalition qui l’a porté au pouvoir, Fernando Lugo devra composer avec des éléments radicaux impatients de voir s’implanter des réformes fondamentales et d’autres qui l’inciteront à mettre la pédale douce. De fait, Lugo est à la tête de l’Alliance patriotique pour le changement, rassemblement de huit petits partis, dont le Parti démocrate chrétien, dont il est issu. Ce regroupement arc-en-ciel compte également le Parti libéral radical authentique de centre-droit qui, jusqu’à l’élection d’avril, était le principal parti d’opposition. Frederico Franco, co-listier de Lugo, dirigeait ce parti et il deviendra vice-président du pays en août.

Franco a d’ailleurs obtenu l’adhésion au nouveau gouvernement d’un ancien ministre de l’Économie qui avait été évincé par le régime précédent en raison des mesures d’austérité qu’il prônait, tout en plaidant pour un assainissement des mœurs politiques. Ce sont ses budgets appliqués de 2003 à 2006 qui auraient conduit à une croissance de l’économie paraguayenne de l’ordre de six pour cent l’an dernier.

Fernando Lugo n’a qu’à regarder par-dessus son épaule pour constater que les réformes se butent à forte résistance quand elles veulent se concrétiser. Evo Morales, en Bolivie, fait face à une fronde bien organisée depuis qu’il a parlé de nationaliser l’industrie pétrolière dans son pays. L’opposition à ses politiques s’est traduite par la tenue d’un référendum réclamant l’indépendance du riche état de Santa Cruz. Cette aspiration à l’indépendance n’a rien à voir avec le nationalisme; il s’agit d’une opération strictement économique, cet état souhaitant profiter en exclusivité de la richesse produite par l’exploitation des puits de pétrole et en éviter l’étatisation.

Les cinq années que vivra Fernando Lugo à la présidence de son pays (le mandat présidentiel n’est pas renouvelable) seront ardues. Comment en cinq ans rompre avec plus de 60 ans de corruption, de népotisme et d’autoritarisme?

L’infidèle



Ses sorties publiques, que ce soit à Miami ou ailleurs en Amérique du Nord, ne passent jamais inaperçues. Alina Fernandez, la fille de Fidel Castro, étale sa déception devant les réformes en cours dans son pays d’origine maintenant sous la direction de son oncle Raúl.

Mme Fernandez estime qu’à Cuba tout est à faire. « En commençant par ouvrir le pays à tous les marchés. » Il demeure étrange qu’elle ne réclame pas du même souffle que les États-Unis lèvent l’embargo qui frappe Cuba depuis le début des années 1960. Craint-elle de contrarier la diaspora anti castriste qui s’active bruyamment à partir de Miami? Si les millions de dollars versés par le gouvernement des États-Unis à l’opposition cubaine en Floride pour déstabiliser l’île des Antilles étaient canalisées vers des échanges commerciaux, est-ce que cela faciliterait la libéralisation du régime réclamée par le peuple cubain et leurs compatriotes exilés?

Les astres qui brillaient pour d’autres, je les porte,
Et je vais attentive, à travers les humains,
Songeant que mon étoile, un autre me l’apporte,
Et nous échangerons nos astres en chemin.


Jovette Bernier (Au chemin des étoiles)

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