lundi 13 avril 2009

Cuba-USA Virages à 180 degrés

Les événements paraissent presque irréels! Fidel Castro s’entretient pendant deux heures avec trois élus de la chambre des représentants des États-Unis. Une délégation officielle du caucus noir du congrès discute d’un éventuel dégel des relations diplomatiques entre les deux pays. La plus importante organisation de la diaspora cubaine de la Floride propose le dialogue entre les États-Unis et Cuba.

Décidément l’élection de Barack Obama aux États-Unis provoque une véritable mutation tant dans son pays qu’à travers le monde.

Pendant cinq jours, la semaine dernière, six élus du Congrès ont séjourné à Cuba et ce n’était pas pour la plage. À la demande du président, ces envoyés spéciaux avaient pour mission de sonder les cœurs et les reins de leurs interlocuteurs afin de savoir s’il est possible de rétablir de paisibles relations. Non seulement ont-ils obtenu une réponse favorable de la part de Raul Castro mais, qui plus est, Fidel lui-même a reçu trois d’entre eux à son domicile.

La représentante Barbara Lee, de la Californie, rapporte que pour le président Raul Castro une levée de l’embargo et une normalisation des relations seraient dans l’intérêt des deux parties. Castro a même ajouté qu’il est prêt à tout mettre sur la table. « Il est tout le contraire de la description qu’en font les médias » a-t-elle ajouté.

Pour ce qui concerne Fidel, Mme Lee dit l’avoir trouvé bien portant, très énergique et d’esprit très clair. Elle affirme qu’il lui a confié que les Cubains souhaitent le dialogue. Qu’ils veulent parler aux États-Unis. Qu’ils désirent des relations normales.

Fidel ne s’est pas contenté de cet entretien avec les délégués américains, il y est allé d’un texte dense publié dans la Granma dans lequel il écrit notamment qu’une négociation avec Washington est la seule manière de s’assurer de l’amitié et de la paix entre les peuples. Du jamais lu à partir de la plume du lider maximo. Il traduit ainsi ses espoirs : « Un autre représentant a affirmé … que les États-Unis ne devaient pas rater l’occasion de reconnaître que leur politique vis-à-vis de Cuba avait été un échec total. Il a ajouté que son gouvernement devait demander pardon à Cuba pour toutes ces années d’hostilité et pour la politique de blocus, car ce n’est qu’ainsi que nous serions en mesure d’avancer ensemble vers le règlement du différend bilatéral. Il a signalé qu’il ferait tout son possible, de son poste, pour éliminer le blocus. »

La diaspora

Cette main tendue du gouvernement Obama vers Cuba aurait, il y a seulement six mois, soulevé un tollé de protestations de la part des leaders de la diaspora cubaine. Surprise! Dans un mémoire de 14 pages rendu public le mercredi 8 avril, la Cuban American National Foundation (CANF), la plus importante organisation regroupant les Cubains vivant aux États-Unis, en appelle à une rupture avec le passé et à une nouvelle direction à donner dans les relations entre les États-Unis et Cuba. Le président de la fondation, Francisco Hernandez, l’un des membres du commando qui a tenté un débarquement à la baie des Cochons en avril 1961, en remet en affirmant : « À l’heure actuelle, nous devons mettre l’emphase sur le peuple cubain parce que les Cubains sont les seuls à pouvoir changer les choses à Cuba. »

C’est comme si le pape annonçait qu’il reconnaîtra les mariages gais.

D’où provient donc cette dose de réalisme dans le discours de la CANF, organisme fondé en 1981? Peut-être du constat que l’attitude des Cubains de la Floride à l’égard de leur mère patrie a évolué. D’une part, aux dernières élections américaines, un tiers de l’électorat cubain a opté pour les démocrates d’Obama. Dans le passé, plus de 80 pour cent du vote cubain se dirigeait vers les candidats républicains. D’autre part, un sondage mené par la Florida International University auprès de la communauté cubaine de la Floride (900 000 personnes) révèle que 55 pour cent des répondeurs sont favorables à la levée de l’embargo à l’endroit de Cuba et que 65 pour cent d’entre eux espèrent la reprise de relations diplomatiques entre l’île et le gouvernement américain.

Enfin, tous ces acteurs du côté américain font un même constat : l’embargo contre Cuba, appliqué depuis maintenant 47 ans, a failli. Il n’aura eu qu’une conséquence : rendre la vie plus difficile aux cubains eux-mêmes.

Martinez

La prise de position de la fondation, si elle semble faire consensus, s’attire aussi des critiques. Ainsi, Mel Martinez, sénateur de la région de Miami, s’objecte et soutient qu’il faut maintenir la ligne dure à l’endroit du gouvernement Castro. M. Martinez est l’un des plus fougueux ennemis des Castro. Il a quitté l’île à 15 ans grâce à un programme de l’église catholique. Il semble bien que ses compatriotes vivant en Floride ne partage pas son agressivité envers le gouvernement cubain.

Devant l’expectative de relations normalisées entre Cuba et les États-Unis, même le Miami Herald se montre enthousiaste. Ce n’est pas peu dire!

Une île dans les Antilles évolue à contre-courant
Le riche géant l’observe d’un mauvais œil
La menace souffle plus fort qu’un ouragan
La lucidité l’emportera-t-elle sur l’orgueil?

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