dimanche 24 mai 2009

El Salvador Le FMLN au pouvoir



Le Front Farabundo Marti de libération nationale (FMLN) a marqué, dans les années 1980, l’imaginaire de tous les idéalistes nord-américains qui voyaient, dans ce groupuscule en lutte contre un intraitable régime d’extrême droite, un espoir de libération de tous les peuples d’Amérique centrale subissant une politique étrangère américaine inspirée de la doctrine Monroe considérant cette partie de l’hémisphère cour arrière des USA.

Oscar Romero, évêque de San Salvador, icône de cette lutte armée, apôtre de la théologie de la libération, était assassiné, en 1980, après sa messe dominicale. Voilà qui mettait le feu aux poudres!

La lutte armée entre les escadrons de la mort, sous la coupe du président Roberto D’Aubuisson du parti ARENA ( Alianza Republicana Nacionalista), et les militantes et militants du FMLN s’est soldée par l’accord de paix du 16 janvier 1992 signé à Chapultepec au Mexique. Bilan : 75 000 morts (plus de 10 % de la population), dont 85 % attribués à l’armée et aux escadrons de la mort. Cette guerre civile n’aurait pu perdurer de la sorte sans le soutien des États-Unis de Ronald Reagan qui ont financé l’ARENA, selon les chiffres connus, à hauteur de six milliards de dollars.

Victoire par les urnes

Dix-sept ans après la signature du traité de paix, le candidat FMLN à la présidentielle du 15 mars dernier, Mauricio Funes, remporte la majorité des voix exprimées avec 51,3 % du vote. La semaine prochaine, le lundi 1er juin, Funes sera assermenté en présence de la secrétaire d’État des États-Unis, Hilary Clinton.

Mauricio Funes, journaliste à la station de télévision 12, est aussi un ancien correspondant de la chaîne CNN. Il n’a pas participé à la lutte armée, mais son vice-président, Sánchez Céren, est un ex-commandant de la guérilla.

Le parcours du FMLN aura été cahoteux, depuis son entrée sur la scène politique, devant se confronter, en plus de l’ARENA, à deux autres partis : le PCN (Parti de conciliation nationale), formation composée de militaires, et le PDC (Parti démocrate-chrétien) ont renoncé à présenter leur candidat respectif et se sont ralliés à l’ARENA. Du côté de l’assemblée législative, le FMLN a fait élire, le 18 janvier dernier, 35 députés, l’ARENA 32, le PCN 10, le PDC 5, et le CD (Cambio democrático) 1.


Héritage : un pays délabré

La situation économique de l’Amérique latine est sombre et celle du Salvador désastreuse. Maurice Lemoyne, dans le numéro de mai du Monde diplomatique, note : « Début des années 1990. La démocratie a repris ses droits. Ex-paradis des dictateurs, l’Amérique latine devient le laboratoire du libéralisme le plus débridé. Elle comptait cent vingt millions de pauvres en 1980; vingt ans plus tard, on en dénombrera deux cent vingt-cinq millions. »

Sur une population de près de six millions d’habitants, deux millions et demi de Salvadoriens ont émigré, principalement aux États-Unis. Près de la moitié du pays (47,5 %) vit sous le seuil de la pauvreté et le cinquième dans l’extrême pauvreté, alors que 0,3 % de la population accaparent 44 % du revenu national. En plus d’un niveau de chômage massif, le Salvador est aux prises avec le taux d’homicides le plus élevé du continent (67,8 par 1 000 habitants).

La diaspora salvadorienne, qui représente le tiers de la population, contribue largement au maintien d’une situation économique plus vivable pour les siens demeurés au pays. Les remesas (transferts d’argent de la diaspora vers la parenté) représentaient, en 2008, 17 % du produit intérieur brut du pays ou 3,8 milliards $. Lors des élections de 2004, le président George W. Bush avait menacé, advenant l’élection du FMLN, de bloquer l’envoi des remesas. Le président réélu Antonio Sacca, en retour, a été le dernier des dirigeants d’Amérique latine à maintenir des troupes armées en Irak. Depuis, le Colombien Alvaro Uribe a pris la relève.

À la veille des élections du mois de mars, les Républicains au Congrès des États-Unis, malgré leur défaite, maintenaient le cap fixé par Bush : « Si le FMLN gagne ce dimanche, le Salvador se transformera rapidement en un satellite du Venezuela, de la Russie et peut-être de l’Iran. » Pour sa part, le département d’État a affirmé sa volonté de coopérer avec quelque président que ce soit.

Lemarass

Si, grâce à l’émigration, un flot d’argent bienvenu provient des États-Unis, celle-ci draine également un courant de violence qui explique le taux élevé d’homicides qui prévaut au Salvador avec 16 000 assassinats enregistrés depuis 2004, dont, selon la justice, la moitié serait attribuable aux gangs, les maras.

Les jeunes Salvadoriens vivant aux États-Unis sont aux prises avec les difficultés économiques qui frappent particulièrement les immigrants et les classes défavorisées. Ces jeunes se joignent aux gangs qui évoluent dans les ghettos. Épinglés et condamnés par les tribunaux, ceux-ci sont retournés dans leur pays d’origine. Devenus experts en armes et violence, revenus chez eux, ils intègrent les bandes locales et établissent un réseau de sous-traitants à la solde du crime organisé.

Mara est le nom de la fourmi légionnaire, comme c’est également le diminutif de marabunta, une migration massive et destructrice de ces fourmis. C’est aussi le nom d’une rue de San Salvador. En Amérique centrale, sa signification est passée de « groupe d’amis » à « gang de criminels ».

Au cours des seuls trois premiers mois de cette année, une douzaine de personnes par jour sont retrouvées mortes, selon un relevé officiel. Selon Antonio Rodriguez, qui pilote un programme de prévention de la violence auprès des jeunes, vous pouvez engager un tueur à gage pour 50 $ et il en coûtera 100 $ si le client veut voir le corps. Per capita, le Salvador est plus criminalisé que le Mexique. Sur son cellulaire, M. Rodriguez conserve la photo du corps d’un garçon de 12 ans décapité. Ses meurtriers, selon lui, ne sont probablement pas plus vieux que lui.

Économie exsangue

Avec une émigration galopante et son retour criminalisé, l’économie nationale est anémique et souffre de la crise mondiale. Les exportations n’ont cessé de diminuer depuis le début de l’année. Déjà, en décembre 2008, le pays connaissait six mois de chute constante de son volume d’activité économique. Et le crédit commercial se resserre, le niveau de prêt des banques n’ayant atteint que 3,5 % l’an dernier, comparés à des niveaux de 9,8 % et 13 % pour les deux années précédentes.

Visite au Venezuela

Pour sa première visite à l’étranger, Mauricio Funes a répondu à l’invitation du président vénézuélien Hugo Chávez. Pragmatique, Chávez a offert au Salvador du pétrole à bas prix qui lui permettrait de générer, à la revente, des surplus qui pourraient être acheminés vers des projets de développement social.

Les défis sont nombreux pour la nouvelle administration du Salvador et l’aide internationale est indispensable pour résoudre les problèmes qui se manifestent sur tous les fronts. Le FMLN conservera la fidélité de son électorat en autant que la situation économico-sociale du pays s’assainisse.

Sous-sols d’églises et salles communautaires
Témoins d’un FMLN militant
Syndicats et mouvements populaires
Sensibilisés en 1980 comme maintenant?


NDLR : Qu’attend Marguerite Blais pour envoyer des clowns aux jeunes des maras?

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