samedi 15 décembre 2007
Temps des fêtes temps de répit
Je vous quitte pour la période des fêtes. Un moment de répit et de réflexion. Le plaisir d'informer est proportionnel à celui de se ressourcer. Profitez bien de cette pause et l'on se retrouve vers la mi- janvier.
Yvan Sinotte, rédacteur
Si votre vitre est un jardin de givre
La mer sur la mienne se mire
vendredi 14 décembre 2007
États-Unis Démocratie du secret
Le président des États-Unis gère secrètement mais efficacement son administration, tout particulièrement pour ce qui concerne ses orientations fondamentales, sinon fondamentalistes. Ainsi, la CIA (Central Intelligence Agency) torture et détruit les preuves de ses exactions; le procureur général congédie ses substituts jugés trop pusillanimes au goût du président.
George W. Bush n’agit jamais au grand jour, cela va de soi. Il laisse ses « agents » transmettre ses volontés et clame bien haut son ignorance lorsque le scandale éclabousse son administration.
Dans le cas des interrogatoires « musclées » menées par la CIA, autrement dit de suspects torturés, le tout enregistré sur des bandes ensuite détruites, le président affirme ne pas se souvenir avoir été informé de la destruction de ces bandes avant la semaine dernière. Il ne dit pas qu’il n’avait pas été préalablement informé, mais qu’il ne s’en souvient pas. La mémoire étant une faculté qui oublie, chez M. Bush ces oublis se multiplient.
Cette histoire de destruction de bandes enregistrées d’interrogatoires sous torture rend le Parti républicain tellement mal à l’aise que même les candidats à l’investiture du parti en vue des élections présidentielles de 2008 gardent leurs distances. Pour John McCain, prisonnier pendant la guerre du Vietnam, « cela écorne la crédibilité et l’image de l’Amérique dans le monde, encore une fois ». Intéressant cet « encore une fois ». On piaffe d’impatience d’entendre le candidat défiler les fois précédentes.
Le sénateur républicain Chuck Hagel s’interroge : « Brûler des bandes, détruire des preuves : je ne sais pas où cela va. Cela peut-il conduire à de l’obstruction de justice? »
Le directeur de la CIA, Michael Hayden, qui n’était pas en poste au moment des interrogatoires en question, se contente de laisser tomber « nous détaillerons les faits et je serai heureux de laisser les faits parler d’eux-mêmes ». C’est tout dire et ne rien dire à la fois.
L’avocat de l’année
Le scepticisme face à la Maison blanche tourne rapidement au fatalisme et pousse même les plus sérieux des acteurs sociopolitiques à manier l’ironie. Ainsi en est-il de l’Association du barreau américain qui nomme comme avocat de l’année Alberto Gonzales, ministre de la Justice et procureur général des États-Unis qui a été poussé à la démission après avoir congédié près d’une dizaine de substituts du procureur qui n’épousaient pas les vues politiques du président.
Comme toujours, le président ignore tout et ne peut élaborer sur le sujet. Qui plus est, M. Bush est chagriné du départ de M. Gonzales qu’il qualifie, de surcroît, de digne serviteur du peuple.
Le pays, qui se targue d’être le porte-étendard incontesté d’une démocratie qu’il entend implanter partout à travers le monde, sécrète une culture du secret justement incompatible avec ce mode de gouvernement. En réalité assistons-nous à la fin d’un régime démocra – tique? Soit un gouvernement qui nous aura fait tiquer plus souvent qu’à son tour.
Caille, caille, beau sourire
danse, danse en souliers plats
pour le meilleur et le pire
dans ton dernier falbala
Suzanne Paradis (Pas de deux)
George W. Bush n’agit jamais au grand jour, cela va de soi. Il laisse ses « agents » transmettre ses volontés et clame bien haut son ignorance lorsque le scandale éclabousse son administration.
Dans le cas des interrogatoires « musclées » menées par la CIA, autrement dit de suspects torturés, le tout enregistré sur des bandes ensuite détruites, le président affirme ne pas se souvenir avoir été informé de la destruction de ces bandes avant la semaine dernière. Il ne dit pas qu’il n’avait pas été préalablement informé, mais qu’il ne s’en souvient pas. La mémoire étant une faculté qui oublie, chez M. Bush ces oublis se multiplient.
Cette histoire de destruction de bandes enregistrées d’interrogatoires sous torture rend le Parti républicain tellement mal à l’aise que même les candidats à l’investiture du parti en vue des élections présidentielles de 2008 gardent leurs distances. Pour John McCain, prisonnier pendant la guerre du Vietnam, « cela écorne la crédibilité et l’image de l’Amérique dans le monde, encore une fois ». Intéressant cet « encore une fois ». On piaffe d’impatience d’entendre le candidat défiler les fois précédentes.
Le sénateur républicain Chuck Hagel s’interroge : « Brûler des bandes, détruire des preuves : je ne sais pas où cela va. Cela peut-il conduire à de l’obstruction de justice? »
Le directeur de la CIA, Michael Hayden, qui n’était pas en poste au moment des interrogatoires en question, se contente de laisser tomber « nous détaillerons les faits et je serai heureux de laisser les faits parler d’eux-mêmes ». C’est tout dire et ne rien dire à la fois.
L’avocat de l’année
Le scepticisme face à la Maison blanche tourne rapidement au fatalisme et pousse même les plus sérieux des acteurs sociopolitiques à manier l’ironie. Ainsi en est-il de l’Association du barreau américain qui nomme comme avocat de l’année Alberto Gonzales, ministre de la Justice et procureur général des États-Unis qui a été poussé à la démission après avoir congédié près d’une dizaine de substituts du procureur qui n’épousaient pas les vues politiques du président.
Comme toujours, le président ignore tout et ne peut élaborer sur le sujet. Qui plus est, M. Bush est chagriné du départ de M. Gonzales qu’il qualifie, de surcroît, de digne serviteur du peuple.
Le pays, qui se targue d’être le porte-étendard incontesté d’une démocratie qu’il entend implanter partout à travers le monde, sécrète une culture du secret justement incompatible avec ce mode de gouvernement. En réalité assistons-nous à la fin d’un régime démocra – tique? Soit un gouvernement qui nous aura fait tiquer plus souvent qu’à son tour.
Caille, caille, beau sourire
danse, danse en souliers plats
pour le meilleur et le pire
dans ton dernier falbala
Suzanne Paradis (Pas de deux)
mercredi 12 décembre 2007
La bourse et sa vie… à Montréal
La Bourse de Montréal ne sera bientôt plus qu’un nom inscrit sur la façade de la Place Victoria, puisque son identité se déclinera sous son véritable patronyme : la Bourse de Toronto, dont l’institution montréalaise ne sera plus qu’un produit dérivé.
Les gaz à effets de serre rendent sans doute euphorique. Le premier ministre Jean Charest voit dans la disparition de la bourse montréalaise un passeport vers la bourse du carbone. Il est vrai que le monoxyde de carbone endort la personne qui en respire les effluves jusqu’à ce qu’elle succombe sans même s’être aperçue des effets toxiques subis par son organisme.
Après avoir vu le marché boursier traditionnel quitter la ville de Montréal, en 1999, ce qui chagrinait les dirigeants de la province. Voilà que le créneau développé par les lambeaux de la dépouille laissée sur place, les produits dérivés, passent sous le contrôle des torontois qui se sont donné le temps de constater que ce créneau recelait un potentiel suffisamment prometteur pour qu’ils s’y intéressent, puis s’en emparent.
Le jovialiste premier ministre du Québec y voit une occasion en or d’ajouter aux transactions sur les produits dérivés, une bourse du carbone. Cet ambitieux projet pourra certes voir le jour si les dirigeants de la nouvelle entité y consentent. En tout cas à cinq membres du conseil d’administration sur 18, les représentants de la portion montréalaise de la Bourse de Toronto à Montréal ne pourront que s’incliner devant la décision majoritaire qui sera prise à l’égard de la filiale.
Le Québec se vide lentement mais sûrement du peu de substance financière que ses entrepreneurs avaient réussi à développer au cours des ans. La bourse de Montréal n’en est qu’un symbole, mais quand même. À sa suite, verra-t-on passer sous contrôle canadien ou étranger des Cascades, Bombardier, Jean Coutu, voire des pans d’Hydro-Québec?
Un sondage rassurant
Rassurant tout de même de prendre connaissance d’un sondage qui démontre que les Québécoises et Québécois font montre de plus de réalisme que leur gouvernement sous la gouverne des Charest, Jérôme-Forget ou Bachand qui apparaissent presque complètement dépourvus de fibres nationalistes. Léger Marketing nous apprend ainsi que 63% des Québécois aimeraient qu’une constitution interne protège la prédominance du français, le patrimoine historique, l’égalité des sexes et la laïcité.
En d’autres mots, une majorité de la population québécoise, contrairement à ses dirigeants, croit dans les valeurs fondamentales qui ont mené au Québec contemporain. Le Canada français d’autrefois abandonnait la chose économique aux anglophones qui venaient s’établir dans la province, puisque, sous la houlette du clergé, la gestion des biens matériels et le développement économique n’étaient pas des activités bénies par le dieu des catholiques. Seuls ces libertaires de protestants pouvaient s’adonner à ces jeux d’accumulation de capital au détriment du dur labeur réalisé de pair avec un foyer constitué d’une nombreuse famille.
Au long des années, le Québec s’est doté des institutions qui, un jour peut-être, sauront lui servir de base pour la constitution d’un pays, à la condition que celles et ceux qui nous gouvernent présentement n’aliènent pas ce qui a été réalisé jusqu’ici. Après la finance, ce sera l’économie, puis le politique, puis la langue, puis la culture… Jusqu’à peau de chagrin.
Si je ne croyais plus en toi je ne croirais plus au pays
J’aurais déserté la légende assourdie des fleuves
J’aurais saboté les plus hautes tours
Pour cacher mon mal et ma honte
Jean-Guy Pilon (On ne choisit pas ses armes)
lundi 10 décembre 2007
Otages en Colombie Uribe prêt à négocier
La pression internationale allant en s’intensifiant, sous l’impulsion de la France et de son président Nicolas Sarkozy, M. Alvaro Uribe, président de la Colombie, semble jeter du lest et entrouvrir la porte à une négociation avec les Forces armées révolutionnaires de la Colombie (FARC) qui détiennent, depuis plusieurs années dans certains cas, 50 otages, dont trois Américains et la Franco-colombienne Ingrid Betancourt.
En saisissant de la sorte la pole tendue par le président de la France, le dirigeant colombien démontre à la face de la communauté internationale qu’il n’est pas si buté qu’il n’y paraît et, surtout, écarte du décor son homologue Hugo Chávez du Venezuela. Il n’empêche que Chávez se profile toujours en coulisses.
De fait, que le président Uribe le veuille ou non, c’est Hugo Chávez qui s’est pointé à l’Élysée à Paris pour discuter de cette question avec M. Sarkosy. Conscient que les propos échangés entre lui et le président de la Colombie ne faisaient qu’envenimer la situation en s’inscrivant dans une escalade verbale sans issue, Chávez, en douceur, s’est trouvé à passer le relais à la France. Agissant ainsi, il sauvait les apparences, tant pour lui que pour Uribe. Il s’esquivait laissant les initiatives à venir aux chefs d’état français et colombien.
C’est ainsi que le président Uribe offre de dépêcher une délégation en vue d’entreprendre des discussions avec les dirigeants des FARC dans un territoire démilitarisé, à l’écart de toute région habitée, où les parties se présenteront désarmées.
Le président Uribe précise cependant : « L’église catholique et la Commission nationale de conciliation nous proposent maintenant des pourparlers en zone neutre. Le gouvernement exprime sa volonté d’accepter cette rencontre, à certaines conditions. »
Outre le désarmement des négociateurs et l’absence de population aux alentours du site, Alvaro Uribe réclame la présence d’observateurs internationaux.
Les FARC attendues
Les dirigeants des FARC n’ont pas encore manifesté leurs intentions quoiqu’ils sentent sans doute aussi quelque pression devant l’ouverture survenue de la part du gouvernement. Ils ont ainsi toujours affirmé qu’ils ne négocieraient pas sans leurs armes.
Le chef de l’opposition colombienne, le sénateur Gustavo Petro salue l’attitude du président qu’il qualifie de bon geste politique et humanitaire.
L’ex-président Andrès Pastrana estime, quant à lui, que la route vers un règlement concernant les otages sera parsemé d’embûches et appelle toutes les forces politiques du pays à démontré, face à la guérilla, leur solidarité politique en faveur d’une libération des otages.
Les FARC, de leur côté, réclament, en échange des otages détenus, la libération de 500 guérilleros. Uribe, pour sa part, exige que ceux-ci, s’ils recouvrent leur liberté s’engagent à ne pas reprendre le maquis. Il maintient toujours également son offre de remettre 50 000 $ à chaque guérillero qui se rendra aux autorités en libérant l’un des 3000 otages détenus.
De leur côté, les FARC devront aussi démontrer ouverture et souplesse. Des pourparlers de cette nature sont intervenus il y a une dizaine d’années entre Andres Pastrana et les révolutionnaires qui en avaient profité pour s’implanter dans la région où s’étaient tenu les discussions et intensifier par la suite leur lutte dans la région.
Ce qui ne laisse d’étonner, c’est la surprenante discrétion des États-Unis dans le processus en cours, en supposant qu’il y ait bien processus. Il faut reconnaître que s’ils se manifestaient on les accuserait d’ingérence tout comme leur silence laisse planer des doutes sur du tirage de ficelles en coulisses. Après tout, la liberté de trois de leurs ressortissants est en jeu. Règle générale, s’agissant des leurs, ils ont la gâchette pas mal plus facile.
Dans les profondeurs du sommeil
Dans les secrets voyages de la nuit
Dans le noir blessé des néons
Je vois la mer
Gilles Vigneault (Dans les sirènes…)
vendredi 7 décembre 2007
États-Unis Le président ne sait ni lire ni compter
Les élections s’en viennent à grands pas aux États-Unis. Le président le sait. Le Parti républicain le sait aussi. Que fait le parti au pouvoir à l’aube d’une période électorale dont l’issue s’annonce très serrée? Comment rallier cet électorat qui délaisse les républicains en faveur des démocrates?
La stratégie républicaine est simple : accorder à la population des bénéfices qui la ramènera dans le giron et inciter le président à en faire autant. Les militants républicains réclament aussi de leur président, George W. Bush, qu’il adopte des mesures qui profiteront à son parti. Mais voilà, le président éprouve bien des difficultés à livrer la marchandise. Mais ce n’est pas faute d’essayer.
En politique extérieure, le président multiplie les efforts, par Condoleeza Rice interposée, pour rapprocher Israéliens et Palestiniens. Toutefois, pendant que les dirigeants du Moyen orient se rendent dans la banlieue de Washington et que M. Bush se pavane à leurs côtés, sur le terrain, les opposants ne désarment pas, c’est le cas de le dire. Bush faillit donc dans sa tentative à exhiber son talent de médiateur et les républicains en sont pour leurs frais.
Non seulement le président doit constater la pente ardue à gravir pour ramener la paix entre Israël et ses voisins, il doit également affronter des rapports de ses propres services secrets qui lui apprennent que les Iraniens ont depuis un bout de temps abandonné leur programme d’armement nucléaire.
Devant cet état de fait, il faut lire la réplique présidentielle, en parlant de son chef du renseignement, Mike McConnell, qui lui a bien dit en août avoir « de nouvelles informations, il ne m’a pas dit ce qu’étaient ces informations ».
Cette séquence rappelle étrangement l’épisode des armes de destruction massive de l’Irak qui n’ont jamais été dénichées, ce qui n’empêche pas de continuer de mettre ce pays à feu et à sang en y injectant des sommes inimaginables. De fait, à la mi-novembre on estimait à 1,5 trillion de dollars (1,5 million de millions de dollars) le coût des guerres d’Afghanistan et de l’Irak.
Ces dépenses astronomiques incitent le président à opposer son veto sur un programme d’aide de 35 millions $ destinés aux enfants des familles dont les revenus se situent au niveau du seuil de la pauvreté, mais va pour un plan d’aide à l’intention de 1,2 million de propriétaires de maison aux prises avec des hypothèques dont ils ne peuvent plus rencontrer l’échéance.
Un total de 1,2 million de propriétaires, c’est une goutte d’eau dans un marché hypothécaire lourdement perturbé et, qui plus est, ce programme n’implique aucun déboursé de la part du gouvernement fédéral. Il reporte seulement le fardeau de la situation dans cinq ans, soit après le départ du président en poste et ne touche à peu près pas ni la Californie ni la Floride, états qui ont vécu le plus fortement le boom des hypothèques à risques de 2000 à 2005.
Les contribuables des états qui ont élu des gouverneurs issus du Parti républicain profitent cependant de certaines largesses, comme ceux de la Floride. Dans cet état, le gouverneur Charlie Crist promet des réductions de taxes même s’il est confronté à un manque à gagner de 2,5 milliards $ sur les deux années à venir. Les syndicats des employés des services publics dénoncent avec véhémence la volonté du gouverneur Crist en arguant que la concrétisation de cette promesse se traduira par une diminution notable des services à la population.
Sondages
Les stratèges républicains, eux, gardent l’œil sur les sondages qui font glisser toujours davantage la popularité de leurs candidats en lutte pour la présidentielle au profit de leurs rivaux démocrates. Le dernier sondage de l’Institut Harris, à la fois national et international, confirme une avance d’Hillary Clinton, que ce soit face à ses adversaires démocrates ou républicains. 22% des Américains favorisent Mme Clinton contre 12% pour Rudolf Giuliani. À l’étranger, Hillary Clinton arrive en tête en France (35%) et en Allemagne (44%). Giuliani, à son meilleur, arrive en seconde position en Grande-Bretagne (10%), en Italie (19%) et en Espagne (7%).
Et les politiques du président Bush sont durement jugées. Les Américains en sont insatisfaits dans un ordre de 56%. Ailleurs, c’est pire. Les Britanniques, les Allemands et les Français s’y opposent avec des niveaux respectifs de 65%, 77% et 79%.
Le président Bush s’avère être l’ancre aux pieds de ses alliés politiques. À quand un débat contradictoire entre les candidats présidentiels républicains et le président lui-même? Les premiers pourraient ainsi se démarquer des tares qui semblent affliger ce dernier : incapacité de lire correctement les rapports qui lui sont soumis, incapacité d’additionner les sommes faramineuses que coûtent deux guerres qui n’en finissent plus de durer, au détriment des programmes dont pourraient bénéficier ses compatriotes.
Mensonge des formes qui reposent
Pour mieux s’illusionner de paix
Et faire à la douleur une pause…
Guy Delahaye (Mensonge d’un portrait)
mercredi 5 décembre 2007
Québec Une province canadienne moins française
L’alignement des astres a de ces caprices que la politique semble toute disposée à exploiter à son profit. Le lundi 3 décembre marquait l’anniversaire du vote de la Chambre des communes reconnaissant le Québec comme nation; le premier ministre canadien, Stephen Harper, annonce une tournée de consultations sur les langues officielles et nommer Bernard Lord pour la piloter; le lendemain, Statistique Canada publie les données du recensement de 2006 qui confirme le recul du français partout au Canada, Québec inclus.
Ainsi, au Québec, pour la première fois, le pourcentage des personnes ayant le français comme langue maternelle est en deçà de 80%. Dans la métropole, Montréal, les francophones sont maintenant minoritaires. Sur la scène canadienne, en 35 ans, les francophones ont perdu quatre points de pourcentage à 22,1%.
Le dérapage de l’usage du français au Québec a été freiné par l’application de la loi 101 qui oblige les enfants de familles immigrantes à fréquenter l’école française, sinon on assisterait au même phénomène qui frappe les autres provinces canadiennes où les francophones ne représentent plus que 4,1% de la population.
Ces constats résultent du rêve du Canada bilingue de Pierre Elliott Trudeau dont son descendant direct, Stéphane Dion, fait encore l’apologie. Au moins, Stephen Harper se montre plus réaliste et, sachant que les données de Statistique Canada allaient occasionner des interrogations, des inquiétudes, des constats d’échec au sein des communautés francophones, il sort du chapeau le modèle bilingue du Canada anglais : Bernard Lord, ancien premier ministre de la seule province bilingue du Canada, le Nouveau-Brunswick. La mission de Bernard Lord : guider le gouvernement appelé à dévoiler l’an prochain la mise à jour du Plan d’action sur les langues officielles.
Il faut donc en conclure que la présence à Ottawa d'un commissaire aux langues officielles et, au Canada, d’une Fédération des communautés francophones et acadiennes ne suffise pas pour inspirer au gouvernement en place le chemin à emprunter pour sauvegarder la présence francophone hors Québec. Toutefois, pas question, selon toute vraisemblance, qu’Ottawa réactive le programme de contestation judiciaire qui permettait, jusqu’à sa dissolution par le gouvernement Harper, d’assumer les frais juridiques entraînés par la contestation judiciaire de certaines mesures législatives adoptées par les gouvernements fédéral ou provinciaux. L’hôpital Montfort à Ottawa a survécu, notamment, sur le front judiciaire, grâce aux fonds provenant de ce programme et à la mobilisation nationale que la cause a suscitée.
L'influence du travail
Au Québec, il devient évident que la seule fréquentation de l’école française ne suffit pas, non plus que le recrutement d’une immigration puisée dans les pays où prime la langue française. C’est au travail que ça se passe. Et le travail, surtout dans le domaine des technologies de l’information, exige l’anglais, terre anglo-américaine oblige. Le Québec, avec 5,7 millions de parlant français, ne fait pas le poids avec le Rest of Canada (ROC) et les États-Unis qui rassemblent plus de 300 millions d’anglophones.
Une étude menée aux États-Unis par le Pew Hispanic Center, un organisme de recherche sans but lucratif, démontre d’ailleurs que la crainte, entretenue par les Américains à l’effet que l’immigration latine allait mener à la formation de ghettos hispanisant, était sans fondement. En effet, la deuxième génération de familles immigrées, souhaitant de meilleurs emplois, s’intègre à la majorité. Voilà ce qui facilite ensuite le dialogue avec le voisinage et les profs des enfants.
La langue est aussi le reflet de notre culture et ce qui lui donne sa teinte particulière. Dépourvue de la langue française, la culture dite québécoise, dans sa littérature, son théâtre, son cinéma, sa musique, son architecture et ses arts visuels se déformera à force de contorsions pour résister à l’attraction du pôle anglicisant qui attire les nouveaux arrivés tout comme sa propre progéniture.
Les Québécoises et Québécois, auront beau s’affirmer comme nation sur tous les toits, il n’en demeure pas moins que la lucidité doit les conduire à reconnaître qu’elles et ils sont des Canadiens français qui évoluent dans la province de Québec, la seule province majoritairement française du Canada… pour l’instant.
Mais je n’ai pas accepté
D’être ce désemparé,
Qui regarde s’agrandir,
À mesurer la distance,
Un vide à combler d’espoir.
Jean-Aubert Loranger (Ébauche d’un départ définitif)
mardi 4 décembre 2007
Radio Floride Propos d'actualité en direct ou par Internet
En direct: du lundi au vendredi, à compter de 8h05, au 980 AM
Internet: radiofloride.com
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lundi 3 décembre 2007
Hémisphère sud La constitution idéale
Hugo Chávez aura raté son rendez-vous avec les modifications constitutionnelles qu’il envisageait pour son pays afin de réaliser ce qu’il appelle « le socialisme du 21ème siècle ». Ce revers référendaire demeure tout de même une surprise puisque le président du Venezuela a connu, cinq fois d’affilée, des victoires lorsqu’il a recouru au verdict populaire depuis son élection en 1998. Hugo Chávez peut toutefois demeurer en fonction jusqu’en 2013.
Cette impulsion constitutionnelle suscitée par le président vénézuélien s’est rapidement propagée chez les pays voisins et plus loin jusque dans les Caraïbes et les Antilles. Les réformes constitutionnelles, règle générale, sont loin de soulever les passions. Or, à observer ce qui se déroule dans l’hémisphère sud, la constitution est quand même un sujet de débat, voire d’affrontement.
S’il se trouve des pays, comme le Canada, par exemple, qui font des pieds et des mains pour éviter d’aborder cet aspect de la vie nationale, d’autres y trouvent ou souhaitent y découvrir une source de renouvellement, de rajeunissement des institutions en place, du comportement adéquat à adopter pour y recourir, tout en visant l’assainissement des mœurs politiques.
La constitution d’un pays regroupe l’ensemble des textes fondamentaux qui donnent la forme du gouvernement, établit et règle les rapports entre gouvernants et gouvernés et détermine l’organisation des pouvoirs publics. Voilà la définition générale donnée à ce document qui, une fois adopté, génère ou bien la crainte des gouvernements en place d’y toucher ou la possibilité de procéder à une mise à jour des règles à appliquer pour s’ajuster aux aspirations de l’électorat.
Les gouvernements étrangers, souvent méfiants, y voient parfois une manigance du gouvernement en place pour s’accaparer davantage de pouvoirs, comme les États-Unis et leurs alliés de Colombie et du Pérou l’ont martelé tout au long de la campagne menée par Chávez.
Le Chili et la Colombie ont récemment amendé leur constitution respective visant à modifier les règles concernant les mandats présidentiels. À Santiago, le mandat du président sera dorénavant de quatre ans au lieu de six. À Bogotá, le président peut maintenant déclencher des élections à ce poste sans devoir respecter la durée complète de son mandat.
La Bolivie, l’Équateur, Trinidad et Tobago et Haïti se penchent également sur la loi fondamentale de leur pays.
Les présidents de la Bolivie et de l’Équateur, Evo Morales et Rafael Correa, ne cachent pas leurs sympathies à l’endroit du président Chávez du Venezuela et leur intention d’amender la constitution de leur pays est perçue chez leurs critiques (lire les États-Unis, la Colombie et le Pérou, notamment) comme une volonté manifeste d’accroître leur pouvoir personnel sur la vie politique de leur pays.
Le gouvernement de Trinidad et Tobago souhaite modifier le système présidentiel en vigueur, alors que le gouvernement haïtien aspire à une constitution qui apporte plus de stabilité économique et un rempart contre la violence qui secoue le pays.
Droits de la personne
Les pays sud-américains ayant vécu le joug de régimes militaires ont procédé à des réformes constitutionnelles dès la disparition des bruits de bottes afin, entre autres, de veiller à la protection légale des personnes. Ce fut le cas des amendements adoptés au Brésil (14), au Chili (7) et en Colombie (11).
Qu’est-ce qui explique la tendance observée de modifier ainsi les constitutions en vigueur dans les pays équatoriaux? Selon les analystes : l’impatience grandissante des populations à l’endroit de régimes politiques qui tardent à offrir un meilleur niveau de vie.
Le directeur de l’Organisation des états américains (OEA), José Miguel Insulza, affirme, pour sa part, que les peuples concernés « croient plus que jamais en la démocratie, mais ils souhaitent une démocratie qui règle leurs problèmes… Derrière l’instabilité d’aujourd’hui repose des années de négligence. »
Il demeure que des modifications apportées à un document, si sacré soit-il, ne sauraient fournir l’assurance d’une vie meilleure pour le plus grand nombre sans la volonté politique d’y parvenir, non plus que d’empêcher des changements d’orientation si cette même volonté se manifeste.
Une bonne constitution est celle qui reçoit l’aval de toutes les parties concernées. Que se passe-t-il au Canada?
Nul ne mettra de terme à l’œuvre commencée;
Et des siècles nombreux devant lui passeront:
Sisyphe, sans faiblir, poursuivra sa pensée…
Car une flamme ardente auréole son front.
Jean Charbonneau (Sisyphe)
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