dimanche 29 mars 2009

Canada-Colombie Un pacte immoral





L’ère Bush est révolue aux États-Unis, tout le monde le sait sauf Stephen Harper et son gouvernement. Bush souhaitait conclure un traité de libre-échange avec la Colombie. Barrack Obama s’y est opposé et refuse encore de l’envisager tant que les mœurs dans ce pays ne se seront pas assainies. Le gouvernement conservateur canadien, lui, continue de rouler dans les ornières laissées par huit ans de régime républicain au sud de la frontière et enclenche le processus de ratification de libre-échange avec la Colombie.

Ce gouvernement est-il mal renseigné ou est-il obsédé par son biais idéologique? Des leaders syndicaux sont la cible de meurtriers, des chefs amérindiens et leurs familles sont assassinés, des groupes paramilitaires d’extrême-droite concurrence en violence avec les Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC), les trafiquants de drogue imposent toujours leur loi, le président Alavaro Uribe favorise les entreprises opérant dans son pays en appliquant des mesures notoirement anti-syndicales. Et le Canada désire signer une entente de libre-échange avec ce pays? Le Canada serait-il maintenant dénué de toute valeur morale?

Les huit enfants de trois syndicalistes tués poursuivent, en Alabama, la compagnie Drummond Co. Inc. qui opère la mine de charbon La Loma en Colombie. Valmore Locarno, employé d’entretien et président du syndicat, en compagnie de Victor Orcasita, membre du comité exécutif du syndicat, en 2001, ont été tirés à bout portant à leur descente de l’autobus de la compagnie à l’entrée de la mine. Sept mois plus tard, Gustavo Soler, qui avait succédé à Locarno à la présidence du syndicat, était exécuté de la même façon.

Les enfants souhaitent être indemnisés par la compagnie. Une poursuite semblable, entendue en 2007, a échoué. Cependant, les avocats des familles soutiennent que la nouvelle poursuite a de meilleures chances de réussite, puisqu’un témoin qui ne pouvait se présenter devant le tribunal la première fois, en raison de sa détention, est maintenant libre et peut témoigner. Rafael Garcia, qui était emprisonné en Colombie lors du premier procès a été libéré et il est sorti du pays. Il soutient avoir vu de hauts dirigeants de la compagnie Drummond remettre un porte-documents rempli d’argent à des membres de la milice paramilitaire. Selon Garcia, les dirigeants en question seraient le président-directeur général de la filiale colombienne de Drummond et son vice-président. Ce dernier serait un proche du leader de la milice les Autodéfenses unie3es de la Colombie, Rodrigo Tovar Pupo, extradé de Colombie depuis et en attente de procès aux États-Unis pour trafic de drogue.

Les Amérindiens

Le Haut commissariat aux réfugiés de l’ONU et l’organisme Human Rights Watch soutiennent que le mois dernier au moins 17 amérindiens de la tribu Awa ont été tués dans l’état de Narino. Cet état du sud-ouest de la Colombie est devenu, ces dernières années, l’un des plus violents du pays. La guérilla de gauche, les milices paramilitaires, les trafiquants de drogues et l’armée colombienne s’affrontent dans la région et les résidants de Narino sont au milieu de la tourmente à tel point que 30 000 d’entre eux ont quitté leur région et sont devenus des réfugiés intérieurs l’année dernière.

La banane finance la tuerie

Raúl Hasbún, de sa cellule de la prison de Medellin, se vante au reporter Steven Dudley du Miami Herald, d’avoir présidé à l’élimination de centaines de ses compatriotes. Ancien producteur de bananes et membre des forces paramilitaires d’extrême-droite de la Colombie, Hasbún explique au journaliste comment il finançait son organisation. Les compagnies bananières lui payaient une taxe de trois cents par caisse de fruits exportée. Les milices étaient ainsi richement loties et disposaient de tout l’arsenal nécessaire pour leurs opérations.

Ces révélations indisposent fortement Washington qui subit de fortes pressions de groupes de défense des droits humains pour enquêter sur les liens existant entre les multinationales présentes en Colombie et les milices de droite.

Cible syndicale

À Palm Beach, en Floride, la compagnie Chiquita est poursuivie par des proches de victimes des forces paramilitaires. Chiquita a déjà admis avoir versé 1,7 million $ en sept ans aux paramilitaires afin d’assurer, selon elle, la protection de ses employés. Néanmoins, elle a été condamnée à verser 25 millions $ d’amende pour avoir contribué financièrement aux activités d’une organisation terroriste.

Parmi les victimes avouées de Hasbún figure Isidro Segundo Gil, président du syndicat des travailleurs de l’usine Coca-Cola, tué en 1996. Hasbún affirme avoir tué Gil parce qu’il collectait de l’argent pour les FARC. « J’ai tué un grand nombre de syndicalistes, ajoute Hasbún, pas parce qu’ils étaient syndicalistes mais parce qu’ils travaillaient avec les guérillas ou étaient membres des guérillas. »

Un président au-dessus de tout soupçon?

Et le président Alvaro Uribe dans tout cela? On soupçonne les paramilitaires de lui avoir donné un coup de main pour son élection de 2002 et, depuis sa réélection en 2006, une série de scandales liés aux activités des paramilitaires éclabousse son administration. Sa ministre des Affaires étrangères a dû démissionner, son père et son frère étant accusés de liens avec les paramilitaires. Le directeur du Département administratif de la sécurité (services secrets), un proche du président, a été arrêté pour les mêmes raisons. En tout, 63 congressistes ont été identifiés par la Cour suprême comme des supporteurs des paramilitaires et 32 sont emprisonnés. Le cousin germain du président Uribe, Mario Uribe Escobar a démissionné de son poste de sénateur toujours pour les mêmes raisons. C’est lui qui avait cofondé le parti du président Colombia Democratica dont la totalité des élus au parlement sont aujourd’hui derrière les barreaux.

Les traités de libre-échange ne devraient-ils pas être réservés à des pays où tous les droits fondamentaux sont garantis? Pourquoi cet empressement du gouvernement canadien à ratifier un accord avec la Colombie? Quels sont les enjeux cachés derrière cet emballement? Quels intérêts sert-il?

Discernement et jugement
Bases solides de décisions judicieuses
L’idéologie suivie aveuglément
Rend même la droite raisonnable frileuse

Aucun commentaire: