lundi 12 novembre 2007

Amérique latine Bête noire assise sur or noir


Hugo Chávez est actif sur tous les fronts en ce moment : il pilote une mouvementée réforme de la constitution de son pays, il mène des tractations en vue de la libération des otages détenus par les FARC en Colombie, il tente de mettre sur pied une organisation des pays sud-américains producteurs de pétrole en vue d’aider les pays consommateurs, il poursuit sont entreprise diplomatique pour contrer l’influence des États-Unis en Amérique du sud, les Caraïbes et les Antilles et, impardonnable faute aux yeux de l’aigle américain, il fréquente assidûment le président cubain Fidel Castro.

Les étudiants de Caracas multiplient les manifestations contre les amendements à la constitution soumises à un vote référendaire prévu pour le 2 décembre. Des incidents sont survenus la semaine dernière alors que des « partisans » réformistes se sont attaqués aux étudiants qui regagnaient leurs quartiers universitaires. Sitôt, le vice-recteur de l’institution a accusé les alliés du président Chávez d’intimidation à l’endroit des manifestants.

Avouons que le président n’a guère redoré son blason en répliquant qu’il n’allait pas laisser quelques privilégiés élevés la cuiller d’argent à la bouche bousiller sa réforme constitutionnelle. En manifestant comme ils le font, les étudiants ont rejoint le camp des partis d’opposition et du général à la retraite et ex-ministre de la Défense, Raúl Baduel, qui qualifient d’entreprise dictatoriale la réforme Chávez.

Mais, aux dires même des analystes, l’opposition est trop faible pour contrer le mouvement d’appui aux amendements constitutionnels approuvés par l’assemblée nationale la semaine dernière. Au nombre de ces amendements : levée de la limite du mandat présidentiel, règles plus complexes en vue d’entreprendre une procédure de destitution à l’endroit du président, création de provinces sous la responsabilité de l’état fédéral et contrôle gouvernemental de la banque centrale.

Les opposants, groupes de défense des droits de la personne, clergé catholique et dirigeants d’entreprises, notamment, affirment que ces amendements accordent trop de pouvoir à Chávez et menacent les libertés individuelles, alors que le président qualifie cette réforme de « socialisme du 21ème siècle ».

Colombie

Si la situation intérieure du Venezuela est accaparante pour Hugo Chávez, ceci ne l’empêche pas de poursuivre les négociations entreprises il y a quelques mois en vue de résoudre la crise des otages en Colombie. En contact avec le président Alvaro Uribe et des pays comme la France, préoccupée par le sort d’Ingrid Bétancourt, Chávez a rencontré, le 7 novembre, un représentant des Forces armée révolutionnaires de la Colombie (FARC).

Chávez devrait s’entretenir sous peu avec le commandant des FARC, Manuel Marulanda, pour mettre au point un échange humanitaire : les otages, dont Mme Bétancourt et trois Américains, contre 500 guérilleros emprisonnés par le gouvernement colombien.

Pétrole

Le sommet ibéro-américain qui s’est terminé le samedi 10 novembre à Santiago du Chili a donné à Chávez l’occasion d’inviter le Brésil à se joindre à un nouveau cercle pétrolier : Pétroamericas. Ce cartel prendrait la relève des projets en cours : Petrosur, Petrocaribe et Petroandina.

Cette invitation vient à point nommé. L’entreprise étatique chilienne d’exploration pétrolière vient de découvrir un gisement d’une capacité potentielle de huit milliards de barils qui pourra atteindre sa pleine production vers 2013.Il s’agit d’une nouvelle importante pour le gouvernement de Luis Ignacio da Silva, Lula, qui peine à placer sur les rails de la prospérité un pays riche en ressources de toute nature.

L’appel du président Vénézuélien vise à affaiblir l’influence des États-Unis sur les pays de l’hémisphère en sud en garantissant à ceux d’entre eux, dépourvus de ressources pétrolières, un approvisionnement à coût abordable.

Politique

Et le rayonnement de Chávez, au grand agacement des États-Unis, ne cesse de progresser. Déjà les Morales de Bolivie, Lula du Brésil, Bachelet du Chili, Ortega du Nicaragua et, au premier rang, Castro à Cuba montrent, tantôt, une certaine sympathie à l’égard de leur homologue, tantôt, une sympathie certaine. S’y ajoutent maintenant Rafael Correa en Équateur et Alavaro Colom au Guatemala. Tous étaient présents au sommet ibéro américain qui a réuni, la semaine dernière au Chili, les pays d’Amérique latine, l’Espagne et le Portugal.

Hugo Chávez, y a révélé son côté un brin frondeur. À tel point, de fait, qu’il n’a pu se retenir face à son vis-à-vis espagnol José Luis Zapatero, en traitant son prédécesseur de fasciste, ce que n’a pas apprécié le président d’Espagne qui le lui a fait savoir devant un Chávez qui a persisté et signé en envoyant balader le roi Juan Carlos qui appuyait son président.

Pour ne pas être en reste, Hugo Chávez s’en est également pris à l’église catholique vénézuélienne et le pape, en plus d’accuser les États-Unis et l’Union européenne d’avoir approuvé le coup d’état fomenté contre lui en avril 2002.

Il faut bien reconnaître, toutefois, que les adversaires du président du Venezuela ne le ménagent guère. Lune des dernières offensives diplomatiques, dans le contexte nord-américain où la liberté de presse apparaît comme un droit sacré : le 13 octobre, l’Association inter-américaine de la presse, en assemblée générale à Miami, a accusé le gouvernement Chavez de tentative de censure à son endroit en l’accusant d’avoir ordonné aux hôtels de Caracas de refuser toute réservation de chambre en vue de la tenue de son assemblée générale de l’an prochain qui doit avoir lieu dans la capitale vénézuélienne.
Or, quand on y regarde de près, cette association n’en n’est pas une de journalistes mais de propriétaires et d’éditeurs de médias des États-Unis et d’Amérique latine. Tous ont été et sont plus critiques les uns que les autres sur tout ce qui semble orienter la politique de l’hémisphère sud vers une voie trop socialisante par rapport à leur credo fondé sur la seule propriété privée.

Que Chávez veuille servir à ces médias quelques crocs en jambe n’est sans doute pas très habile, mais pas non plus surprenant, quoique pas une seule preuve d’entrave n’ait été déposée par l’association lors de sa conférence de presse, les journalistes présents ayant pris ces affirmations pour argent comptant. Peut-on douter de la parole de ses patrons?

Ma pensée est couleur de lumières lointaines
Du fond de quelque crypte aux vagues profondeurs.
Elle a l’éclat parfois des subtiles verdeurs
D’un golfe où le soleil abaisse ses antennes.


Émile Nelligan (Clair de lune intellectuel)

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