mercredi 14 novembre 2007

Les ratés du parcours Mulroney

Le rat est un animal à l’esprit grégaire qui s’adapte facilement à son milieu. En liberté, il est une véritable peste, allant jusqu’à propager cette maladie. En captivité, il devient un précieux partenaire dans la recherche médicale en laboratoire, mais c’est là l’exception.

Il vaut mieux savoir quelle espèce de rat se présente à soi avant d’entreprendre une relation avec lui. Car, le rat le plus courant, lorsqu’il se sent coincé et que sa peau est menacée, préfère attaquer son partenaire devenu adversaire, même au risque d’y laisser sa peau.

Et on sait qu’en affaire, les rats pullulent. Ratoureux, comme il se doit, ils sont à la fois généreux et gourmands, et, surtout, vindicatifs, quand leur appétit n’est pas assouvi. Besoin d’un coup de pouce pour se sortir d’une passe momentanément difficile? Le rat affiche présent et n’attend que le prochain tournant pour réclamer le retour d’ascenseur qu’il estime être maintenant son dû.

Brian Mulroney a-t-il accepté de frayer en compagnie de Karlheinz Schreiber, homme d’affaires germano-canadien? Si oui, aurait-il accepté de celui-ci certaines sommes d’argent pour lui faciliter le travail à titre d’entremetteur ou d’investisseur?

Si ce fut le cas avant que M. Mulroney quitte le 24 Sussex Drive à Ottawa, il n’en pipe mot dans ses mémoires. Pourtant, en plus de 1200 pages, il aurait eu tout le loisir de le faire.

Une bourde de la Gendarmerie royale du Canada, qui avait laissé entendre que M. Mulroney avait été gratifié, par M. Schreiber, de généreux pot-de-vin dans l’affaire de l’achat d’avions de la firme Airbus par la compagnie Air Canada, a valu à l’ex-premier ministre une compensation de 2,1 millions $.

Un livre publié par deux journalistes de Toronto, au milieu des années 90, avait aussi tenté d’établir des liens d’argent entre MM. Mulroney et Schreiber.

Pendant l’épisode GRC, poursuites et règlement, Karlheinz Schreiber est demeuré coi en évitant de soulever quelque vague que ce soit.

Mais voilà que dans son édition du 30 octobre, le quotidien « The Globe and Mail » soutient que M. Mulroney a reçu, en 1993 et 1994, 300 K $ en argent comptant de l’homme d’affaires sans verser d’impôt sur ces revenus. Il l’a fait plus tard en soumettant une divulgation volontaire à cet effet, ce qui est légal.

Assaut

Autre hic : Karlheinz Schreiber, détenu dans une prison de Toronto et sur le point d’être déporté en Allemagne pour des affaires de fraude et d’évasion fiscale, poursuit M. Mulroney pour récupérer ses 300 K $ et a déclaré, dans un document de 87 pages, soumis au tribunal, qu’il a remis une lettre à M. Mulroney à l’intention du premier ministre Stephen Harper. Le rat attaque.

M. Harper a confirmé la visite de M. Mulroney à sa résidence d’été mais a nié avoir pris connaissance de la lettre mentionnée par M. Schreiber.

Lui-même compromis par les propos de l’homme d’affaires, M. Harper, talonné par l’opposition depuis deux semaines, décide, le 8 novembre, de nommer un enquêteur indépendant pour faire la lumière sur cette histoire et rompt, dit-il, tout lien avec Brian Mulroney et en demande autant aux membres de son gouvernement.

Sauf que, M. Mulroney n’est pas du genre à attendre patiemment que les nuages viennent se déverser en trombes sur lui. Il monte au créneau à son tour, par la voie de son fidèle et indéfectible porte-parole, Luc Lavoie, également vice-président de Quebecor, pour réclamer la tenue d’une enquête indépendante et publique. Le gouvernement Harper s’est rendu à cette requête.

Et qu’adviendra-t-il de l’homme d’affaires en question si, comme prévu, il est déporté en Allemagne et que son témoignage est requis plus tard en cours d’enquête? Et combien coûtera toute cette saga aux contribuables canadiens qui ont déjà déboursé plus de deux millions $? Plus les frais d’enquête de la police, plus les frais juridiques, plus le temps des fonctionnaires, plus…

Si l’enquête n’y parvient-pas, Brian Mulroney nous révèlera-t-il le fin fond de cette histoire dans le second tome de ses mémoires?

Marche seul et sois fier; plein de morgue, relève
Ta tête altière, et fuis les contacts infamants;
Ne choisis pour sentier que celui de ton rêve.


Albert Dreux (Le mauvais passant)

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