vendredi 16 novembre 2007

États-Unis Relance du débat sur la peine de mort?


Deux événements viennent ranimer le débat sur l’application de la peine de mort aux États-Unis, en général, et dans l’état de la Floride, en particulier. D’ici le 8 janvier 2008, les législateurs du New Jersey décideront s’ils abolissent définitivement la peine de mort et la Cour suprême des États-Unis a ordonné, le 12 novembre, la suspension de toutes les exécutions capitales pour se donner le temps de se pencher sur l’utilisation des injections mortelles.

Le décès de l’écrivain américain Norman Mailer, survenu le 10 novembre, permet de rappeler l’un de ses ouvrages les plus critiques au sujet de la violence de la société américaine. Dans Le chant du bourreau, Mailer racontait la vie et la carrière criminelle de Gary Gilmore premier détenu exécuté après le rétablissement de la peine de mort aux États-Unis en 1976. En suivant ainsi le parcours de Gilmore, Mailer décrit l’être humain, capable de sentiments et d’émotion, qui se profile derrière l’impitoyable individu qu’une société peut engendrer par sa propre cruauté à l’endroit de ses marginaux.

Le répressif système judiciaire américain est un parcours imprégné de violence dont la peine de mort n’est que la manifestation extrême. La clémence, la réhabilitation et la réinsertion en société sont des concepts étrangers à l’application de lois rigoureuses qui tendent plus vers la recherche de la vengeance que vers l’émergence d’une justice sociale.

Des jeunes, auteurs de bêtises assez courantes pour leur âge, et davantage quand ils n’ont connu que la vie de misère des ghettos, sont soumis à des traitements inimaginables qui peuvent mener à la mort.

Des ados se voient condamner à la prison à vie, pour des crimes sordides souvent commis par des complices plus âgés. Y a-t-il des moyens de les récupérer?

Et la prison attend aussi d’autres jeunes contrevenants pour des gestes que la société peut trouver déplacés, sans toutefois les punir si violemment.

Les immigrants sans statut n’échappent pas non plus à la rigueur des traitements infligés dans les établissements carcéraux.

Les boot camps

Sept gardiens d’un boot camp de la région de Tampa, de même qu’une infirmière, ont été innocentés, le 12 octobre, de la mort d’un adolescent de 14 ans survenue en janvier 2006. Ce verdict de non culpabilité s’est basé sur le témoignage d’un médecin expert de la défense venu affirmer que le garçon était décédé des suites d’un dérèglement cellulaire de son organisme survenu avant qu’il ne soit battu et privé d’oxygène.

Le procès des huit inculpés a cependant permis d’apprendre les pratiques surprenantes, pour ne pas dire dégradantes, ayant cours dans ces centres de détention destinés aux plus récalcitrants des usagers du système de correction juvénile.
Les témoignages entendus, de la part des gardiens eux-mêmes, révèlent que ceux-ci sont intervenus quand, pendant une course forcée d’un mille et demi, le garçon a démontré des signes de détresse. Croyant qu’il feignait, les gardiens l’ont maîtrisé physiquement pour ensuite lui appliquer les mains sur la bouche et lui faire respirer de l’ammoniac afin qu’il reprenne ses esprits, ce qui l’aurait conduit à la suffocation. L’infirmière, témoin de la scène, n’est pas intervenue arguant qu’elle aussi soupçonnait une simulation.

La scène, enregistrée sur bande vidéo, montre les gardiens en train de violenter l’ado pendant une trentaine de minutes avant qu’ils n’appellent une ambulance.

À vie

Un rapport de l’organisme « Equal Justice Initiative », publié dans la troisième semaine d’octobre, affirme que les prisons américaines comptent 73 détenus condamnés à perpétuité pour des crimes commis quand ils n’avaient que 13 ou 14 ans. Cette situation n’existerait dans aucun autre pays au monde.

De plus, toujours selon ce rapport, 2 225 mineurs purgent une peine de réclusion à perpétuité sans libération conditionnelle, une sanction interdite par la Convention internationale des droits de l’enfant que les États-Unis refusent toujours de signer.

La moitié des détenus à vie sont noirs. Cette minorité ne représente que 12 pour cent de la population américaine.

« Le plus souvent, note l’organisme, ils ont participé à des braquages dans lesquels des plus âgés qu’eux ont tué. Considérés comme tout aussi coupables que leurs ainés, ils ont subi la loi des peines plancher.

Fellation

La Cour suprême de Georgie a libéré, le 26 octobre, un jeune homme emprisonné depuis plus de deux ans pour une fellation pratiquée par une jeune fille de 15 ans, consentante, alors que le consentement pour une relation sexuelle était fixé à 16 ans à cette époque.

Aujourd’hui âgé de 21 ans, le jeune en question avait 17 ans au moment des faits; il a été accusé de viol et condamné à 10 ans de prison.

Immigrants

Les centres d’incarcération à l’intention des immigrants ne sont guère plus hospitaliers que les pénitenciers américains même si les personnes détenues n’ont commis aucun crime autre que celui d’être immigrant sans statut.

En 2006, 300 000 hommes, femmes et enfants étaient incarcérés dans des centres de détention pour immigrants, selon le représentant démocrate Zoe Lofgren de la Californie. Les avocats appelés à aider les personnes ainsi détenues affirment qu’ils doivent menacer l’Agence de contrôle des douanes et de l’immigration pour obtenir de l’information sur l’état de santé de leur client, de même que pour connaître les causes d’un décès, le cas échéant.

Les jeunes confinés dans ce type d’établissement apprennent rapidement à se méfier d’un pays aussi menaçant à l’endroit des nouveaux venus et sont susceptibles de devenir la proie d’adultes mal intentionnés qui peuvent les aider à s’échapper de ce milieu pour ensuite les initier à la criminalité.

L’univers carcéral américain en se durcissant, s’est transformé, au cours des ans, en un système d’apprentissage du crime qui fait rapidement comprendre à sa clientèle que l’issue, dans leur existence, se trouve dans une criminalité organisée et agissant à plus grande échelle. Le système pénal s’avère ensuite impuissant à contrer le banditisme et sa violence dont les rouages ont été promus dans ses propres écoles.

Et ne voilà-t-il pas que le gouvernement canadien de M. Harper a décidé de cesser de demander automatiquement la clémence pour tout citoyen canadien condamné à mort à l’étranger! Faut-il y voir une tentation d’adopter au Canada un système carcéral inspiré de celui des États-Unis avec peine de mort à la clé? Heureusement, 50 pour cent des Canadiens interrogés à ce sujet sont contre la décision du gouvernement, avec un appui de 43 pour cent, selon un sondage de la Presse canadienne publié le lundi 12 novembre.

Vois-tu ce chemin misérable
Dont jamais n’ont foulé le sable
Que les pas du désespoir?...
C’est par là que je m’en irai.



Lionel Léveillé (Vois-tu ce chemin?)

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