mercredi 7 novembre 2007

Québec et Ottawa derby d’abolitions


Mario Dumont et son ADQ se sentaient coincés ces dernières semaines entre la quête d’identité québécoise de Pauline Marois et du PQ et un Jean Charest qui n’hésite pas à prendre d’assaut les pages d’opinions des journaux pour vilipender les nationalistes. Pour se remettre en selle, Mario Dumont prend prétexte du famélique taux de participation aux élections scolaires du dimanche 4 novembre pour réclamer l’abolition des commissions scolaires.

Stephen Harper et le Parti conservateur minoritaire à Ottawa, las de toujours devoir rendre des comptes sur la nature de la participation de l’armée canadienne en Afghanistan, en plus de se faire casser les pieds par un sénat à majorité libérale qui tatillonne sur chacun des projets de loi en provenance de la Chambre des communes, accroche son wagon à la locomotive anti-sénat du NPD de Jack Layton pour réclamer l’abolition de cette institution.

L’un et l’autre ont raison d’agir de la sorte mais ils ne semblent pas le faire pour les bons motifs.

Une fois enfourchée sa monture, Mario Dumont perd le contrôle des rênes et met dans un même sac le coût des élections scolaires, 8 millions $, associé à un taux de participation de huit pour cent pour l’ensemble du Québec et la moitié de ce niveau dans l’île de Montréal, pour menacer de renverser le gouvernement s’il ne se rend pas à son exigence.
Il place ainsi le PQ dans l’obligation de soutenir le parti au pouvoir ce qui lui permettra ensuite de le vilipender sur toutes les tribunes pour collaboration avec l’ennemi.

Mais le motif réel de la position adéquiste est ailleurs et c’est l’auteur de la résolution abolitionniste des commissions scolaires qui le révèle candidement. « Les écoles privées ne sont pas soumises aux commissions scolaires et s’en sortent très bien », avance le député de La Peltrie, Eric Caire. Voilà qui ressemble davantage à l’ADQ : gruger au public pour alimenter le privé.

Pourtant les mobiles en faveur de cette abolition ne manquent pas, il suffit de prendre connaissance de la Loi sur l’instruction publique pour s’en convaincre en ayant à l’esprit que les parents recherchent dans une école un lieu d’apprentissage efficace pour leurs enfants. Aussi simple que cela. Or, une commission scolaire c’est tout le contraire de cette simplicité attendue.

Les commissions scolaires ont, avec les années, multiplié à outrance les paliers décisionnels et consultatifs sans toutefois avoir un mot à dire directement sur la qualité de l’enseignement dispensée dans les écoles sous leur responsabilité. Un parent tente-t-il de référer à la commission scolaire un cas de déficience pédagogique dans un établissement qu’il se fait répondre que ce n’est pas du ressort de cet ordre de gouvernement.

En fait, toutes les responsabilités dévolues aux commissions scolaires pourraient être confiées à d’autres structures déjà en place avec transfert du personnel et des budgets et le système ne s’en porterait que mieux. Et les emplois en jeu pourraient être transférés là où ils seront vraiment utiles sans devoir tergiverser avec des élus qui n’ont qu’une raison d’être : justifier leur présence. Unique perte : un terrain d’exercice pour politicien provincial en devenir.


Le sénat

Les conservateurs ont depuis longtemps fait de la réforme du sénat leur cheval de bataille avec, par exemple, la résolution triple E : élu, égal, efficace, la limite de la durée des mandats ou la consultation des électeurs avant une nomination. Toutes idées rejetées par les sénateurs eux-mêmes qui refusent, il est aisé de le concevoir, de scier la branche sur laquelle ils sont assis.

Mais la vraie raison de l’obsession conservatrice sur l’existence du sénat : ils y sont minoritaires parce que les libéraux ont accumulé plus d’années qu’eux au pouvoir et, par le fait même, ont eu l’occasion de nommer plus de sénateurs.

Pour le NPD, l’abolition du sénat est à son ordre du jour depuis la fondation du CCF (Commonwealth Cooperative Party), son ancêtre.

Là encore, les vrais raisons ne manquent pourtant pas pour justifier l’abolition de chambre haute. Le sénat, de défenseur des causes régionales et des politiques défendues par les provinces, s’est rapidement mué en espace de stationnement pour organisateurs politiques et en généreux pourboire pour services rendus.

Pour s’en convaincre, un coup d’œil au mémoire de l’ex-premier ministre Brian Mulroney qui élabore sur la nomination de Norman Atkins, un réputé organisateur de la Big Blue Machine conservatrice ontarienne : « … Il n’y eut pratiquement aucune critique quand j’ai nommé Norman au Sénat, la plus importante rétribution qu’un premier ministre peut accorder et qui représentait pour Norman, compte tenu de son âge, une somme de cinq millions de dollars sur (sic) le restant de ses jours! » (Brian Mulroney, Mémoires, p. 804.)

Voilà deux institutions aussi nécessaires à l’évolution de la vie démocratique qu’une balle de golf dans un tournoi tennis.

Malgré des jours nombreux, ma fin semble hâtive;
Je dis l’adieu suprême à tout ce qui m’entend.


Phamphile Le May (Ultima verba)

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