mercredi 28 novembre 2007

FTQ L’irrévérencieux Henri Massé tire sa révérence


Il laissera son empreinte dans le milieu syndical québécois et dans l’évolution des dernières années du tissu social du Québec. Le pragmatique Henri Massé, en quittant la présidence de la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), après une dizaine d’années à ce poste, coiffe ainsi 40 ans de militantisme syndical.

Le mouvement syndical a, plus souvent qu’à son tour, mauvaise presse au Québec, même au sein de ses propres troupes. Avec plus de 40 p. cent des travailleuses et travailleurs syndiqués, il va de soi que les syndicats fassent régulièrement parler d’eux au Québec. Peu, lorsqu’ils défendent le droit au maintien au travail de leurs membres lors d’une fermeture d’usine, par exemple; beaucoup lorsque ceux-ci exercent des moyens de pression; énormément lorsqu’ils sont en grève ou en lock-out.

C’est avec justesse que, dans son discours d’adieu, Henri Massé a tenu à rappeler ce que seraient le Canada et le Québec, si le mouvement syndical ne s’y était développé à compter du 19ème siècle. « Adieu assurance-emploi, assurance-maladie, prévention et réparation des accidents de travail, régime public de retraite, congés de maladie, équité en emploi, éducation publique, non discrimination en emploi, heures de travail décentes et juste rémunération, congés de maternité, retrait préventif, droit de refuser un travail dangereux, congés fériés, etc. »

Des monuments

Le président sortant de la FTQ remémore également, à l’intention des membres de son organisation, les travailleuses et travailleurs qui ont pavé la voie aux syndiqués d’aujourd’hui et à la mémoire desquels on a dressé des monuments. « Qu’on pense à cette sculpture monumentale érigée à Salaberry-de-Valleyfield à la mémoire des 3000 travailleuses et travailleurs (sur une population de 10 000) de la Montreal Cotton qui ont fait une grève de 100 jours en 1946 pour la reconnaissance syndicale.

« Qu’on pense encore, poursuit-il, au monument de Buckingham, inauguré le 7 septembre 2006, à la mémoire de Thomas Bélanger et François Thériault, assassinés en 1906 pour s’être battus en faveur de meilleures conditions de travail à la scierie MacLaren… »

Heureusement pour lui, Henri Massé passe sous silence la statue érigée en l’honneur de Jean Lapierre, ex-président des cols bleus de Montréal, qui sévit dans le paysage du boulevard Crémazie à Montréal dans le giron du siège social de la FTQ. Il évite aussi, et cela se comprend, la relecture de pages peu glorieuses de l’époque du saccage de la Baie James, des abus lors de la construction du stade olympique ou du pouvoir démoniaque d’un André Dédé Desjardins sur les membres du local 144 des plombiers.

Bien qu’il s’agisse d’un discours de fin de mandat où la politesse et la bienséance sont de mise, Henri Massé ne se gêne pourtant pas pour lancer quelques fléchettes vers des organisations qui devraient, en principe, être considérées comme des alliées du mouvement syndical. Il égratigne ainsi Greenpeace.

« Le rapport de Greenpeace sur la forêt boréale : un véritable épouvantail qui passe sous silence les réalisations de l’industrie et qui prend en otage les travailleurs et les économies régionales… Ils ont choisi le mode confrontation… On croit qu’une forêt, ça se cultive, et qu’il y a moyen de le faire intelligemment sans compromettre les écosystèmes dans leur pérennité… »

Idem quand il est question d’hydro-électricité. « … La quasi-totalité de la douzaine de groupes qui dénonçaient un projet hydro-électrique, cet été à Montréal, étaient d’origine américaine, on comprend mal pourquoi ils ne sont pas chez eux à manifester devant une centrale au charbon. »

Ce qui peut être difficile à comprendre cependant, lorsque Henri Massé aborde la présence américaine en sol québécois et canadien, c’est la présence dans les rangs de la FTQ de syndicats des États-Unis. De fait, des travailleuses et travailleurs québécois versent des cotisations syndicales dont une partie est acheminée vers les voisins du sud (Métallurgistes unis d’Amérique, Teamsters, Association internationale des machinistes et travailleurs et travailleuses de l’aérospatiale, l’Alliance internationale des employés de scène, de théâtre et de cinéma et d’autres encore). Ce problème a-t-il déjà été abordé au sein de la FTQ? Si non, comment se fait-il? Si oui, pourquoi est-ce que cela perdure?

Cette situation est unique au monde. Aucun pays, autre que le Canada, n’accepte que des organisations syndicales étrangères opèrent sur son territoire. En France, les syndicats sont exclusivement français. Il en est de même en Grande-Bretagne, en Italie, en Espagne, en Allemagne, dans les pays scandinaves, en Chine, en Argentine, en Australie ou en Afrique du sud.

Autre précision : la FTQ n’est pas une centrale syndicale, mais une fédération du Congrès du travail du Canada (CTC). Ses syndicats affiliés sont d’abord membres du CTC et adhèrent ensuite volontairement à la FTQ.

Tout cela n’enlève aucunement le mérite qui revient à Henri Massé ou à ses prédécesseurs, non plus qu’aux réalisations que la FTQ a su mener à bien. Ne seraient-ce que la bataille en faveur de la syndicalisation chez Wal-Mart ou la défense des travailleuses et travailleurs agricoles. Salut Henri!

Dès sa source, le fleuve anticipe la mer,
Et la fleur sait le fruit, savoureux et amer,
Qui la prolongera dans le temps et l’espace.

Gilles Hénault (L’invention de la roue…)

1 commentaire:

claude a dit…

Du brasse-camarade à son meilleur.