mercredi 31 octobre 2007
Au Québec: identité, commission, politique; commission, identité, politique; politique, commission, identité…
Qui n’a pas un jour rêvé d’assister au festival western d’Hérouxville en Mauricie? Pourtant, ça vaut le détour car Hérouxville illustre la profondeur abyssale de certains villages québécois. Il y a aussi Lamarche au Lac Saint-Jean où les Français sont exécrés.
À Hérouxville, donc, un génial conseiller municipal a imaginé un « code de vie » original qui interdit, entre autres choses, la lapidation et l’excision. Le conseiller André Drouin a omis (volontairement?) la lobotomie, ce qui lui permettrait peut-être de recouvrer la raison.
C’est l’élaboration de ce code de vie, qui s’ajoutait à un certain nombre de demandes d’accommodements formulées par quelques membres de groupes religieux, qui a permis à Mario Dumont d’entreprendre la course à la négation de l’autre, de céder le relais à un Jean Charest paniqué par l’ampleur du débat et qui n’a rien trouvé de plus courageux que de s’en décharger sur le dos d’une commission. Cette commission sera finalement appelée à trancher une question politique, l’identité québécoise, à la place des responsables politiques. Ponce Pilate a bien des émules.
L’identité selon Marois
Pauline Marois et le Parti québécois ont pris le taureau par les cornes et ont élaboré un projet de loi sur l’identité québécoise. Réaction de Dumont: horreur! Cachez ce sein que je ne saurais voir. Et Charest, ne voulant pas être en reste face au chef de l’ADQ, dépêche au créneau la porte-parole de la Commission des droits de la personne qui affirme que le projet de loi veut interdire l’éligibilité des nouveaux arrivants qui ne maîtrisent pas le français. Ce n’est pas ce que dit le projet de loi qui parle de l’acquisition de la citoyenneté qui mène à l’éligibilité.
Cette commission, normalement, prend connaissance d’un problème qui lui est soumis, en analyse les tenants et aboutissants et, quelques mois, dans certains cas, quelques années plus tard, rend son jugement sur la question.
Ici, pas de tataouinage. Le bureau du premier ministre a appelé, passé sa commande et subito presto voilà la réaction de la commission. Le tout sans avoir entendu les parties en cause et leur argumentation. Si ce n’est pas de la justice expéditive, qu’est-ce que c’est?
Une autre commission prend le pas sur le politique. Et, dans cette ornière si bien tracée viennent s’enfiler les B’nai Brith et l’Association des manufacturiers et exportateurs, deux groupes marqués d’un esprit notoire de progrès social.
Que dit au juste le projet de loi Marois au sujet de l’identité et de la citoyenneté québécoise? Qu’une commission soit mise sur pied pour proposer une constitution; que la Charte des droits prévoit que, pour obtenir la citoyenneté québécoise, il faille posséder une connaissance appropriée de la langue française; que toute personne ayant sa citoyenneté québécoise soit éligible, puisse financer un parti politique et adresser des pétitions; que toute personne ait droit à l’apprentissage de la langue française; que les diverses modalités de la Charte de la langue française s’appliquent aux entreprises qui comptent au moins 10 salariés au lieu de commencer là où il y en a 50 comme c’est le cas présentement; que le droit d’enseigner soit acquis après la réussite d’un examen attestant de la maîtrise du français; que le régime pédagogique s’attache à l’histoire du Québec, à l’apprentissage et la maîtrise la langue et à la valorisation de la culture québécoise.
La connaissance du français est le préalable à la citoyenneté qui est le préalable à l’éligibilité.
C’est vrai que c’est scandaleux tout ça, ça pourrait donner l’impression qu’on vit dans un état qui nous ressemble. En fait, ce qui est le plus incroyable, c’est que ça ne prévoit pas s’appliquer aux Québécoises et Québécois « de souche » qui pourraient devoir apprendre le français avant de passer à l’assaut des tribunes téléphoniques.
Mais pour B’nai Brith, c’est xénophobe et c’est une réglementation qui minera la rentabilité des PME, selon les manufacturiers. Analyses approfondies.
Un trait caractéristique de l’identité québécoise : savoir gouverner sans le faire. Qu’est-ce qu’on deviendrait s’il n’y avait pas de commissions?
Il vous arrange les mots comme si c’étaient de simples chansons
Et dans ses yeux on peut lire son espiègle plaisir
À voir que sous les mots il déplace toutes choses
Et qu’il en agit avec les montagnes
Comme s’il les possédait en propre.
Il met la chambre à l’envers et vraiment l’on ne s’y reconnaît plus
Comme si c’était un plaisir de berner les gens.
Saint-Denys Garneau (Le jeu)
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