jeudi 20 septembre 2007

Afghanistan: sortie inspirée du président Karzaï


Le président de l’Afghanistan, Hamid Karzaï, semble avoir toujours un œil sur son agenda et se renseigner régulièrement au sujet des observateurs en visite dans son pays. Voilà sans doute pourquoi, à quelques semaines de la reprise des travaux parlementaires à Ottawa, M. Karzaï prie les Canadiens de favoriser une prolongation de la mission de leur armée dans son pays, et, de plus, s’adresse directement au Québec. Qui l’eut crû?

Ainsi, M. Karzaï, sait d’instinct, que le ventre mou canadien de l’appui militaire à l’Afghanistan se situe au Québec. Sans doute le fait qu’il convoque, mardi, les journalistes canadiens au Palais présidentiel sous l’égide de l’ambassade canadienne y est pour quelque chose. Le quotidien La Presse rapporte les propos du président : « Mon message au Québec : ceux qui servent en Afghanistan accomplissent une mission très importante, pas juste pour notre pays, mais aussi pour le Canada. Ce n’est pas simple, mais quitter l’Afghanistan va ramener tout le mal. »

Le message aurait été écrit par Stephen Harper qu’il n’aurait pas été plus limpide. De là à conclure que c’est effectivement le premier ministre du Canada qui l’a transmis à M. Karzaï, il n’y a qu’un pas à franchir, et vite fait.

M. Harper n’est pas seul à inspirer le président afghan. M. Bush semble aussi avoir contribué à la rédaction de son message quand M. Karzaï insiste : « L’Afghanistan retournera à l’anarchie, il y aura de nouveaux refuges pour les terroristes, et les terroristes vous frapperont, au Canada et aux États-Unis. C’est aussi simple que cela. » Aurait-il eu accès à la transcription de l’une des conférences de presse du président des États-Unis qui reprend systématiquement cette ligne quand la presse lui rappelle l’impopularité de la guerre d’Irak?

Pourtant des refuges, les insurgés afghans semblent en trouver à profusion dans les montagnes de leur pays, de même que chez le voisin pakistanais. En outre, pas un mot d’Hamid Karzaï sur la culture et le trafic d’opium, sur l’influence des chefs de guerre sur son gouvernement, sur la corruption qui sévit à grande échelle dans le pays, sur la propension des recrues de l’armée nationale et des forces policières à déserter et à utiliser l’entraînement reçu et leurs armes contre les armées d’occupation…

Ce à quoi, le président réplique : « On est tous concernés par le problème, mais il découle de trois décennies de désespoir et de destruction, surtout provoqués par le manque de ressources humaines et d’infrastructures. » Là, M. Karzaï réfère peut-être aux trois décennies où lui-même était absent de son pays qu’il avait abandonné aux mains des Talibans.

La sortie du président Karzaï ne semble pas avoir vraiment influencé la frange anti-guerre du Québec. De fait, le lendemain soir, mercredi, le ministre Maxime Bernier, des Affaires étrangères, se faisait copieusement chahuter lors d’une intervention au Centre d’études et de recherches internationales de l’Université de Montréal (CÉRIUM) où il était allé défendre la présence canadienne en Afghanistan.

De plus, un document rapportant les résultats de rencontres avec des groupes cibles (focus groups) et gardé confidentiel par le gouvernement canadien, révèle que les Québécois s’opposent à la hausse du budget consacré à l’armée et considèrent, comme les Canadiens anglais, que le gouvernement conservateur s’aligne trop étroitement sur le programme du président américain, George W. Bush. Cette enquête a été menée l’an passé et a été obtenue par André Noël de La Presse. Elle avait été commandée par le Conseil du Trésor qui s’était bien gardé de la publiciser.

Malgré cette étude, le gouvernement Harper, en mai 2006, déposait un budget consacrant 5 milliards $ de plus par année, sur une période de cinq ans, au poste de la Défense, le doublant de 20 à 40 milliards $ à l’échéance, et projetait de porter de 60 000 à 83 000 le nombre de soldats actifs. De quoi imposer la démocratie, notre démocratie, sans tenir compte de la réalité historique d’un peuple. Est-ce bien légitime?

À quand le jour où le peuple afghan pourra chanter dans sa langue et selon ses us, sans influence étrangère, un poème semblable à celui-ci?

Femmes de mon pays,
Blondes et brunes filles,
Aux flottantes mantilles,
Hommes aux fronts amis
Venez, la fête est belle,
Splendide, solennelle,
C’est la fête du peuple et nous sommes ses fils…

LA FÊTE DU PEUPLE, par JOSEPH LENOIR (1822-1861)

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