lundi 24 septembre 2007

Bulletins scolaires : plagiat et mauvaise conduite


Devant le cafouillis qui semble caractériser le passage de bulletins scolaires évaluant les compétences à des bulletins chiffrés, la ministre de l’Éducation, Michelle Courchesne, en appelle à la collaboration des enseignants. N’aurait-il pas été judicieux de la part de la ministre de solliciter cette coopération avant plutôt qu’après la prise de décision?

Mais pourquoi les enseignants? Peut-on s’interroger devant cette sortie de la ministre : «Ça ne passe pas chez certains enseignants, peut-être, mais pour moi, ce qui est important, c’est que ça passe chez les parents. Le gouvernement a répondu à la demande des parents et les parents sont très heureux… Il y aura des bulletins chiffrés au mois d’octobre. »

Que conclure de cette détermination de la ministre?

Les enseignants sont des partenaires secondaires, des exécutants qui n’ont qu’à se plier, sans mot dire, devant les diktats d’un gouvernement qui a d’autres préoccupations que de les écouter. Or, c’est ce même gouvernement qui a demandé aux enseignants de consacrer des dizaines d’heures en formation pour maîtriser la conception de bulletins scolaires basés sur l’évaluation d’ensemble de la performance des élèves.

Il aura suffi que Mario Dumont, pédagogue aguerri comme chacun sait, étant lui-même père de famille, s’insurge contre les bulletins évaluatifs et prônent le retour aux bulletins chiffrés. Depuis quand, les parents, si bien intentionnés soient-ils, disposent-ils des connaissances nécessaires pour trancher quant à la forme de bulletin idéal qui sied à leurs enfants? Depuis que quelques-uns d’entre eux se sont mis à clamer sur les tribunes radiophoniques que le bulletin conçu par le ministère était trop complexe pour leur niveau de compréhension. Les animateurs de ces « lignes téléphoniques » leur ont laissé toute la place, ont ridiculisé les spécialistes du ministère et le train s’est mis à déraillé.

Jean Charest, toujours les yeux dans le rétroviseur où apparaît incessamment le profil de Mario, ne fait ni une ni deux : plus de bulletin basé sur les compétences et v’là le bon vent pour le bulletin chiffré. C’est simple (simpliste?) et tout le monde sera d’accord. Elle qui n’attend rien pour attendre, la Fédération des commissions scolaires emboîtent le pas. La boucle est bouclée.

Et les enseignants? C’est vrai, il y a toujours ces casse-pieds. Ils n’ont toujours pas d’indications, de paramètres, pour procéder à l’évaluation des élèves. Les commissions scolaires tardent à émettre quelque directive que ce soit et le ministère, apparemment, ne sait plus vraiment par quel bout prendre le problème, tiraillé entre les décisions politiques et l’avis de spécialistes. De toute façon, d’abord que les parents sont satisfaits, comme dit la ministre, les enseignants peuvent bien attendre un peu avant qu’on leur dise comment s’exécuter.

La joie des parents risque toutefois d’être de courte durée si, par un malencontreux hasard, leur enfant arrive à la maison avec un bulletin dont la note reflète l’unique résultat d’un examen de contrôle, parce qu’il faut bien évaluer les connaissances dans chacune des matières et que l’examen est l’outil pour chiffrer le savoir. Et si cet examen est survenu au lendemain d’une mauvaise nuit, d’épreuves affectant la famille ou autre événement perturbateur, quel en sera le résultat? Une note de beaucoup inférieure au résultat escompté? Possible. Sans compter les jeunes, les ados et même les adultes qui flanchent sous la pression qu’exerce un examen, et ce, même s’ils maîtrisent la matière. La note chiffrée reflète l’état d’esprit et la disponibilité intellectuelle tels qu’ils sont au moment de l’examen. Une évaluation d’ensemble, elle, se chiffre difficilement. Va-t-on, dans un an, dans deux ans, revenir à un autre type de bulletin?

D’ici là, des notes chiffrées peuvent d’ores et déjà être attribuées. À Jean Charest et Michelle Courchesne : zéro pour méconnaissance du sujet et plagiat. À la Fédération des commissions scolaires : zéro pour mauvaise conduite, suivi d’une dissolution bien méritée de ses composantes.

Je sens voler en moi les oiseaux du génie
Mais j’ai tendu si mal mon piège qu’ils ont pris
Dans l’azur cérébral leurs vols blancs, bruns et gris,
Et que mon cœur brisé râle son agonie.

Émile Nelligan (Je sens voler)

Aucun commentaire: